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Si vous êtes allés récemment en pharmacie, vous avez dû vous rendre compte de cette affiche, proposée par plusieurs organisations et syndicats pour alerter sur les pénuries de médicaments. Doliprane, Dafalgan, Efferalgan, ou encore Amoxicilline, ces derniers mois, des tensions d'approvisionnement pèsent sur de nombreux médicaments. Et la situation pourrait encore durer quelques temps.

Depuis des mois maintenant, les autorités sanitaires comme les pharmacies alertent sur les tensions qui pèsent sur l’approvisionnement des médicaments. En ce début d’année 2023, la situation s’est tout sauf améliorée. Des pharmacies ont même dû mettre la main à la pâte pour produire elles-mêmes des molécules en rupture de stock. Le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine chiffre à 3.000 le nombre de molécules en rupture de stock, soit deux fois plus par rapport à l’année dernière. Pour l’heure, les professionnels se mobilisent pour trouver des solutions afin que chaque patient puisse être approvisionné correctement. « Des solutions ponctuelles et très chronophages Â» indique Nadine Bodin-Brotelande, co-présidente du syndicat des pharmaciens du Territoire de Belfort. Des produits sont très touchés, comme le paracétamol, des anti-inflammatoires, ou même certains antibiotiques. Tout cela dans un contexte hivernal qui n’arrange pas les choses. « Malheureusement, avec cette conjoncture d’hiver où on a besoin des antibiotiques, les pathologies vont s’atténuer. Cette pénurie touche plus particulièrement les molécules dont on a besoin en ce moment, en hiver. Mais ça ira de mieux en mieux avec l’arrivée du printemps […] On reste très pénalisé, notamment pendant les gardes, on est toujours en relation avec le médecin pour trouver les solutions les plus adaptées aux patients. Et qu’ils ne manquent jamais leurs traitements Â» indique Nadine Bodin-Brotelande.

Comment expliquer ces tensions ?

Plusieurs raisons sont évoquées. L’Académie nationale de pharmacie pointe un « Ã©norme problème de base Â» qui n’a fait que s’aggraver depuis des années. En cause, selon elle : la chaîne actuelle de fabrication et de distribution. « La France est dépendante concernant les médicaments. On a désindustrialisé la production à l’étranger, et on dépend de la Chine et de l’Inde Â», déplore l’académie scientifique. Par ailleurs, selon Nadine Bodin-Brotelande, le coût du médicament serait aussi problématique. « Il est très peu cher en France, et les laboratoires vont approvisionner ceux qui payent le mieux. Nous ne sommes pas prioritaires par rapport aux autres. Donc nous sommes toujours les derniers servis par rapport à certains pays d’Europe. C’est un souci qui n’existe pas que d’aujourd’hui Â». La demande exacerbée de certaines molécules pourrait aussi être l’une des conséquences directes de l’après-Covid et de la perte d’une certaine immunité. « Le fait de porter le masque pendant deux ans n’a pas stimulé l’immunité, et aujourd’hui quand vous avez juste un petit rhume, il devient souvent très compliqué au niveau des voies respiratoires. Il y a besoin quelques fois d’une prescription de paracétamol ou d’antibiotiques plus importante pour éviter les infections Â» explique Nadine Bodin-Brotelande. Selon la co-présidente du syndicat des pharmaciens du Territoire de Belfort, ces pénuries devraient s’atténuer courant du premier semestre 2023. Les professionnels Å“uvrent du mieux qu’ils le peuvent afin de trouver des solutions au niveau national, et que l’ensemble de la profession puisse être approvisionnée dans les meilleurs conditions.

 

Nadine Bodin-Brotelande, co-présidente du syndicat des pharmaciens du Territoire de Belfort : 

 

 

Annick Jacquemet, la Sénatrice du Doubs, a dernièrement interrogé le gouvernement sur les tensions concernant le Doliprane pédiatrique en France. Un sujet de préoccupation majeure pour la population. La parlementaire explique qu’il n’existe aucun substitut et craint une nouvelle saturation des services d’urgence des hôpitaux si la situation ne s’améliore pas.

« J’ai souhaité poser cette question au gouvernement, parce que j’avais entendu dans les médias et par certains élus, qu’il y avait cette problématique d’approvisionnement du Doliprane pédiatrique. Comme c’est une spécialité qui est très utilisée par les parents pour leurs jeunes enfants et bébés, ça m’a interpellé et j’ai souhaité en connaître l’origine et ce qu’il était possible de faire pour palier à cette pénurie Â» explique Annick Jacquemet. Selon la sénatrice du Doubs, le principal laboratoire qui produit 98% du Doliprane pédiatrique, Sanofi, a dû faire face à plusieurs problématiques. Il s’agirait de mouvements sociaux de grève dans les usines, mais aussi le changement de logiciels amenant à des perturbations dans la gestion de production. « Quand ce sont des entreprises de cette taille, il y a un grand temps de formation pour l’ensemble du personnel qui doit être réalisé Â» souligne Annick Jacquemet. « Par ailleurs, le principal fabricant, Sanofi, est en situation de quasi-monopole avec près de 98% des parts de marché et aucun concurrent ne peut suppléer à la baisse de sa production » poursuit la sénatrice. Enfin, le gouvernement dans sa réponse, évoque une problématique d’approvisionnement en flacon de verre, qui pourrait aussi être l’une des causes possibles de cette pénurie.   

Un risque de saturation des urgences

« Ã‡a risque de durer encore un certain temps. D’où les préoccupations de nombreux parents, médecins, pharmaciens, et élus qui me sont remontées, et pour lesquelles je souhaitais avoir une réponse. En tout cas une explication, et comment cela allait être géré Â» explique Annick Jacquemet. Actuellement, tous les enfants de moins de 3 mois qui font des fortes fièvres sont déjà orientés sur le service d’urgences pédiatriques. « Mais au-delà de 3 mois, le Doliprane pédiatrique est une molécule très facilement utilisée en cas de fièvre sans symptôme. Donc s’il n’y a plus de Doliprane pour faire tomber la fièvre, et si le médicament peut difficilement être remplacé par un autre, le risque c’est que les enfants soient orientés sur les services d’urgences dont on connaît déjà le niveau de saturation, et les difficultés auxquelles font face les médecins Â» préviens la sénatrice.