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La Jurassienne Anne Sophie-Pelletier, eurodéputée de gauche GUE/NGL (The Left), a présenté son rapport vers l’égalité des droits pour les personnes en situation de handicap devant le Parlement européen ce lundi. Il a été adopté avec 526 voix pour, 83 abstentions et 10 voix contre. C’est en entamant son discours en langue des signes que la jurassienne a présenté ce rapport qu’elle élabore depuis plus de 3 ans.

 

Bonjour Anne-Sophie Pelletier, pouvez-vous nous présenter votre rapport en quelques mots ?

Ce rapport a une histoire. Trois ans que je l’attendais, dans la continuité de la grève de Foucherans où on s’était battu pour la dignité des personnes âgées. J’avais toujours dit que quand je serais au Parlement, je continuerais cette grève, et de me battre pour la dignité des personnes en situation de handicap. Ce rapport est basé sur tous les articles de la convention de l’ONU, ratifiée par les 27 pays de l’Union Européenne. Les Etats ont fait des progrès, mais il y a encore beaucoup de choses à rajouter et à revoir, puisqu’une personne en situation de handicap en France, en Belgique ou en Italie, n'aura pas les mêmes droits. Ce rapport est basé là-dessus. Sur l’égalité des droits pour les personnes en situation de handicap.

 

Pour rappel, le 28 juillet 2017, la grève des aides-soignantes de l'EHPAD "Les Opalines" à Foucherans dans le Jura, prenait fin après 117 jours de conflit social. Ce mouvement a été l'un des plus longs de l'histoire des conflits sociaux en France Une partie des soignantes dénonçaient leurs conditions de travail et le manque de temps consacré aux personnes âgées pensionnaires des Opalines, créant régulièrement des situations de détresse humaine. 

 

Aujourd’hui, encore trop peu de choses sont faites en direction des personnes en situation de handicap ?

Bien sûr. C’est notamment pour ça que j’ai commencé mon discours en langue des signes française et que j’ai été arrêté. Au sein du Parlement Européen, la langue des signes n’est pas reconnue comme une langue officielle de l’Union. On dit qu’il faut que les personnes en situation de handicap doivent pouvoir participer à la vie politique. Mais comment font les personnes sourdes quand il n’y a ni sous-titres ni traduction ? C’est déjà une discrimination aux droits fondamentaux. Dans le rapport, on indique aussi qu’il y a 14 Etats membres qui acceptent la stérilisation forcée et la contraception forcée. Je considère que c’est une torture. J’ai aussi demandé à la commissaire Dalli, (ndlr : actuelle commissaire européenne à l’Egalité), à ce qu’on puisse avoir une carte européenne du handicap. Si vous êtes en fauteuil roulant en France, vous le serez toujours en Allemagne. Et pour autant, vous n’aurez pas les mêmes droits. Alors qu’avec cette carte, vous aurez exactement les mêmes droits, c’est-à-dire une meilleure accessibilité aux transports et peut-être une meilleure accessibilité au travail. On se rend compte aussi que la discrimination au travail est extrêmement prégnante. Tout comme la discrimination à l’accès aux transports. A Dole, fut un temps, il était très difficile pour les personnes en situation de handicap de prendre le train. Un texte est sorti il y a peu de temps au Parlement. Aujourd’hui, une personne en situation de handicap doit prévenir la SNCF 48h à l’avance pour pouvoir bénéficier d’un accompagnement. Alors que le texte dit 24h avant. Nous, valides, si nous souhaitons prendre le train en urgence, nous n’avons pas de soucis. Une personne en situation de handicap ne peut pas prendre le train en urgence. C’est encore une forme de discrimination.

 

En 2022, certains Etats pratiquent encore des stérilisations forcées ?

Oui je le dis clairement. Souvent sur des femmes d’ailleurs. Elles sont dans des institutions où on va les stériliser sans leur consentement. C’est clairement bafouer leurs droits fondamentaux. Je vais peut-être surprendre les gens, mais une personne atteinte de trisomie a le droit de tomber enceinte, me semble-t-il. C’est son droit fondamental. Mais quand elle est en institution, il est fort probable qu’on demande une stérilisation forcée. C’est ce qu’il se passe dans nos pays européens aujourd’hui. Et je considère cela comme de la torture.

 

Une personne qui se trouve en situation de handicap en 2022, est donc sujette à de très nombreux types de discriminations.

Bien sûr, et quand vous êtes une femme, vous subissez encore plus de discrimination. Et ce n’est pas tolérable. Depuis 2008, il y a une directive anti-discrimination qui est bloquée au conseil, parce qu’on évoque, même si j’ai horreur de ce terme, des « quotas » dans les entreprises. Et certains pays européens ne veulent pas avoir cette obligation d’employer des personnes en situation de handicap. Et c’est pour ça que cette directive est bloquée. Ce n’est pas tolérable. Nous sommes en 2022, et une personne situation de handicap a le droit comme n’importe quelle personne valide, de pouvoir accéder à un travail.

 

Est-ce déjà un pas en avant, de poser ce débat sur le devant de la scène européenne ?

Oui dans le sens où il a quand même 91 recommandations dedans. Moi j’ai fait mon travail de parlementaire, maintenant c’est à la commission de prendre ses responsabilités. C’est aussi au Parlement européen de prendre ses responsabilités. En mettant par exemple la langue des signes comme langue officielle au Parlement européen. C’est à toutes nos institutions de prendre leurs responsabilités. Si rien n’est fait à partir de ce rapport, ça voudra dire que le choix politique est de laisser de côté les plus vulnérables.

 

Êtes-vous optimiste concernant l’évolution de cette situation ?

J’ai pleine confiance en la commissaire Dalli, qui est très attachée à ce qu’il y ait une égalité des droits. Tous mes collègues députés ont même demandé que cette carte européenne soit mise en place avant la fin du mandat, c’est-à-dire dans un peu plus d’un an. Je reste positive parce que je pense qu’on ne pourra pas continuer éternellement à parler d’inclusion et à ne rien faire pour que celle-ci soit vraiment effective sur le terrain pour les personnes en situation de handicap. Nous sommes tous différents, tous uniques, et de cette différence naît de la mixité, et de la mixité naît la société. Nous devons faire société. Chacun de nous peut se retrouver en situation de handicap demain, ce que je ne souhaite à personne. Aujourd’hui, il faut vraiment prendre conscience de la discrimination que subissent les personnes en situation de handicap dans l’Union européenne, ainsi qu’en France.