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Il y a deux semaines, le Collectif Citoyens Résistants et d’autres associations se mobilisaient à Champagnole. Leurs objectifs : lutter contre les projets industriels prévus sur le territoire. Dans leur viseur, le parc éolien de la Basse-Joux, l’usine de pellets de Salins-les-Bains ainsi que le parc photovoltaïque de Loulle et Mont-sur-Monnet. Des projets « destructeurs pour l’environnement et les milieux naturels sur lesquels ils s’implanteraient » selon ces collectifs, les forêts franc-comtoises étant déjà très fragilisées.

 

Ce sont environ 200 personnes qui se sont rassemblées le 14 octobre dernier à Champagnole afin de se faire entendre. Des projets industriels d’ampleur sont annoncés sur le territoire franc-comtois : le projet éolien de la Basse-Joux, l’usine de pellets de Salins-les-Bains et le parc photovoltaïque de Loulle et Mont-sur-Monnet. S’ils suscitent de nombreuses polémiques et une forte opposition, les manifestants ne sont pas totalement opposés à la réalisation de projets d’énergie renouvelables, à condition qu’ils soient « bien faits ». « Le but de cette manifestation était de montrer aux autorités qu’on était ouverts à des projets d’énergies renouvelables, mais qu’on ne voulait pas le faire n’importe comment, et au détriment des espaces naturels. Les projets qu’on nous propose se font tous au détriment de la nature. Le parc photovoltaïque de Loulle/Mont-sur-Monnet, au début, c’était 125 hectares qui étaient menacés. Maintenant c’est 74 hectares de forêts et d’espaces naturels, alors que sur la ville de Champagnole, il y a déjà énormément de toiture à couvrir, de parking, sur lesquels on pourrait mettre des ombrières, sans détériorer les espaces naturels » explique Anthony Fleuriot, du Collectif Citoyens Résistants.

 

La « déferlante photovoltaïque » 

« Enormément d’hectares de forêts ou de terres agricoles sont menacés par des projets photovoltaïques aujourd’hui en France » souligne Anthony Fleuriot. C’est ce que la plupart nomment « la déferlante photovoltaïque ». Omniprésente dans le sud, où l’activité solaire est forte, c’est désormais en Franche-Comté que les industriels voient une possibilité de réaliser des profits. « Les espaces disponibles se réduisent, et le nombre d’entreprises qui ont trouvé que c’était rentable de faire du photovoltaïque ou des énergies renouvelables industrielles a augmenté. Le nombre d’acteurs augmente, et le gâteau diminue. Donc il faut essayer d’aller dans des nouveaux territoires » explique Anthony Fleuriot. « Sauf que les choses deviennent de plus en plus incontrôlables et incontrôlées, en particulier ces panneaux photovoltaïques qui déferlent chez nous. Il y aurait besoin d’une cohérence nationale, que seul l’Etat pourrait la mettre en place » poursuit le membre du Collectif Citoyens Résistants.

 

Des forêts fragilisées

La plupart de ces projets industriels se feraient au détriment d’espaces naturels. Sur des sites qui abritent de nombreuses espèces animales rares et emblématiques, comme le lynx, le chat forestier, le sonneur à ventre jaune, différentes chauves-souris et oiseaux. Ces projets posent d’autant plus problème que les forêts sont extrêmes fragilisées, notamment à cause du réchauffement climatique, des sécheresses successives, des incendies ou encore des épidémies de scolytes. « Un article du Monde est d’ailleurs sorti récemment, indiquant qu’il faut absolument conserver les forêts qui sont existantes, et planter éventuellement autour. Une forêt c’est tout un écosystème, pas uniquement ce qui est au-dessus du sol, mais aussi tout ce qui est dedans. Si on plante dans un endroit où il n’y a pas toute cette vie, les forêts vont mourir quand même. Il devient urgent de conserver les forêts qu’on a. Et finalement, plutôt que de planter, de les laisser s’étendre naturellement, avec des organismes qui vont créer les sous-sols. Si on rase l’existant pour planter ailleurs, on va droit dans le mur. Surtout que certaines forêts du premier et second plateau ont 30 centimètres d’humus posé sur une dalle de calcaire, ce qui permet d’encaisser les précipitations qu’on a depuis quelques jours. S’il n’y a pas une forêt avec ce sous-sol vivant, les dégâts vont être terribles » indique Anthony Fleuriot.

 

Pourquoi ces territoires ?

« Après la seconde guerre mondiale, l’Etat, qui avait besoin de matériaux, a poussé des agriculteurs à convertir des prairies qui étaient assez pauvres, en plantation d’essences monospécifiques. La plupart du temps de résineux, épicéas ou sapins. Ces forêts n’ont pas la vie souterraine nécessaire à supporter les sécheresses actuelles. Ces essences ne sont pas forcément adaptées à nos altitudes. Ces plantations ont dépéri, et un scieur du Jura a racheté ces parcelles qui avaient été rasées. Pour que le projet soit acceptable au niveau de la loi, par rapport aux surfaces concernées, il fallait aussi des surfaces publiques en jeu. C’est là qu’on été sollicitées les communes de Loulle et Mont-sur-Monnet. On se retrouve dans des études qui vont sur 124 hectares parce qu’il faut que ce soit rentable. C’est dommage. » déplore Anthony Fleuriot.

 

En quoi les communes sont gagnantes ?

« On a des autorités qui font des choix économiques. En gros, le modèle des énergies renouvelables, aujourd’hui encore, c’est celui de l’industriel, de promoteur éolien ou photovoltaïque, qui arrive dans les communes, et qui promettent beaucoup d’argent. Ces communes qui sont actuellement prises à la gorge pour tout un tas de raisons, en particulier la crise du bois résineux dans le Jura par exemple, et qui ont un budget à boucler, disent oui à des projets qui leur rapportent. Ça parait beaucoup, mais quand on regarde sur de nombreuses années, ce n’est rien en regard de ce que ça pourrait être, s’ils avaient des projets citoyens » explique Anthony Fleuriot.

 

Une première manifestation s’était tenue le 24 juin dans la forêt de Loulle avant celle du 14 octobre dernier à Champagnole. « On va refaire le point rapidement, et voir quelles actions est-ce qu’on peut mettre en place pour se faire entendre, et peut-être faire plus de bruit. On réfléchit à des moyens de sensibiliser. Les promoteurs ont des personnes qui sont payé à plein temps pour détruire. Et nous on est bénévoles, ça demande beaucoup d’énergie, il faut réussir à se mobiliser, à se motiver et à recruter de plus en plus de personnes pour participer aux actions dans la préparation et dans la réflexion » conclut Anthony Fleuriot.

 

Anthony Fleuriot, du Collectif Citoyens Résistants : 

 

 

Depuis 2018, des attaques de scolytes d’ampleur épidémique touchent le Nord-Est de la France. Les régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté sont particulièrement atteintes. Les scolytes sont des parasites secondaires, qui s’attaquent aux arbres affaiblis, par la sécheresse par exemple. Cependant, à un niveau épidémique, ils peuvent attaquer des arbres sains. Et même si ces derniers ont des mécanismes de défense, si le nombre d’attaques devient trop important, l’arbre ne peut plus lutter. Nous nous sommes entretenus avec Florent Dubosclard, directeur de l’agence de l’ONF du Jura.

 

Les scolytes sont une famille de coléoptères xylophages de petite taille. Le scolyte typographe s’attaque aux Epicéas et il est particulièrement dévastateur. Les femelles fécondées creusent des galeries sous l’écorce et y déposent leurs œufs. Après l'éclosion, les larves se développent perpendiculairement de part et d’autre de la galerie principale. Le développement des insectes détruit des cellules permettant la circulation de la sève ce qui provoque la mort de l’arbre. A chaque génération les scolytes se multiplient rapidement, une femelle peut pondre jusqu’à 80 œufs. Initialement déclenchée en région Grand Est, l'épidémie de scolytes s'étend désormais sur la quasi-totalité des forêts d'épicéas, de la moitié nord de la France (Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Normandie) à l’Auvergne Rhône-Alpes. Le typographe est le scolyte commettant les plus gros dégâts dans les forêts d’épicéas, notamment dans le Grand-Est.

 

Quelles sont les causes du scolyte ?

« Nos forêts souffrent du changement climatique ce qui a pour effet de les rendre plus vulnérables, et de développer différentes maladies. Ces scolytes ont toujours existé, en revanche en période de sécheresse et de fortes températures ces populations de de scolytes ravageurs explosent, et contaminent la plupart de nos forêts. Et c'est le cas depuis 2018. On a connu dans l'histoire de la foresterie quelques pics, en revanche aucun de cette intensité et de cette durée. Depuis 2018 ce sont plusieurs centaines de milliers de mètres cubes de bois résineux que l'on a dû récolter parce que ces bois étaient morts sous les attaques répétées de de ces insectes ».

 

Comment reconnaître un arbre contaminé ?

Partout où l'épidémie frappe, une modification de l'aspect paysager est à prévoir. Au-delà des coupes exceptionnelles, le dépérissement des épicéas modifie l'aspect de la forêt. En effet, les arbres attaqués par les scolytes sont facilement identifiables par le changement de la couleur de leurs aiguilles, virant du vert au brun, puis par leur disparition totale. Dans le paysage, les groupes d’arbres atteints depuis un certain temps sont facilement repérables grâce à la couleur des houppiers rouges ou gris selon l’ancienneté de l’attaque. Dans ce cas, les scolytes se sont déjà envolés et ont colonisé d’autres arbres. Il est compliqué de détecter précocement les scolytes. La couleur des houppiers est un indice qui intervient trop tardivement. Des indices plus discrets comme la présence de sciure rousse par exemple permettent de détecter une attaque récente.

 

Qu’arrive-t-il au bois infesté par les scolytes ?

« Ces bois gardent leurs propriétés technologiques, donc peuvent être utilisés comme des bois frais en charpente en bois de construction notamment. Dès lors que nous les récoltons rapidement après qu'ils aient été contaminés. Donc ils rentrent dans le marché de marché du bois et sont valorisées comme leurs comme les bois frais, comme les bois verts »  

 

Il faut donc récolter ces bois le plus rapidement possible après la contamination ?

« Dès qu'ils commencent à sécher, si on attend trop, ils se déprécient et ne peuvent plus être utilisés. Ce qui fait que l'on récolte non pas les bois que l'on aurait identifié comme étant bon à récolter en période normale, mais bien les bois qui sont morts. Donc pas forcément ceux qui seraient le plus pertinent à récolter. Et derrière ces récoltes nombreuses, des efforts importants de reconstitution de boisement sont également engagés pour renouveler nos forêts. Dès lors que ces forêts sont abîmées par ces attaques de ravageurs, ça nous perturbe et nous oblige à les reconstituer avec des essences un peu plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques que l'on rencontre aujourd'hui et qui vont se durcir à l'avenir on le sait ».

 

Comment lutter efficacement contre ce scolyte ?

« Il n’existe pas vraiment de méthode pour lutter. En tant que gestionnaire, on conduit des sylvicultures et qui intègrent ce nouveau risque en diversifiant les espèces d'arbres que l'on va favoriser dans nos forêts, en intégrant certaines espèces qui sont plus résistantes aux assauts du climat. Et puis en conduisant des sylvicultures plus dynamiques, pour faire en sorte que nos forêts soient plus résistantes, plus résilientes face à ce nouveau climat ».

 

Avez-vous souffert de cette épidémie ces dernières années ?

« C’est un vrai fléau, on sort là d'une année 2021 qui a été une année de répit, puisque la météo a été favorable en étant plus fraîche et plus humide. Donc on a eu une baisse des attaques de scolytes en 2021, mais on sait que c'est un répit avant un redémarrage que l'on espère être le plus tard possible. Mais on sait que ce que l'on a vécu de 2018 à 2020 va se reproduire dans un futur proche, c'est inévitable ».

 

Comment appréhendez-vous la hausse des températures, et l’approche de l’été ?

« Pour l’instant on est dans les starting-blocks. On constate que depuis le début d'année on a un déficit de pluviométrie. Les températures sont agréables en tant que citoyen, mais inquiétantes en tant que forestier. Et si on ne constate pas d'amélioration d'ici à cet été, on craint une reprise de cette épidémie de scolytes ».