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Ce samedi, les élus de la Ville de Pontarlier et les responsables de l’ONF ont fait le point sur l’état de la forêt communale. La cité du Haut-Doubs dispose de 1055 hectares dont elle a confié la gestion à l’Office Nationale des Forêts. Chaque année, 7500 m2 sont mis à l’affouage, dont 50% en raison de l’attaque des scolytes.

La gestion de la forêt devient de plus en plus complexe. Elus et professionnels doivent trouver des solutions pour la soigner et éviter les pertes. La sécheresse et la prolifération des scolytes la fragilisent. Une forêt malade engendre des dysfonctionnements tant au niveau économique que climatique.

Prendre les bonnes décisions

La course contre la montre est lancée. Entre la prolifération des scolytes, la nécessité de protéger l’existant et d’assurer l’avenir,  la gestion de la forêt est complexe. Depuis quelques années maintenant, mêmes les arbres situés à 1.150 mètres d’altitude ne sont pas épargnés. Si l’on compte sur la capacité de la forêt à se régénérer par elle-même, on envisage également d’autres chemins pour penser la forêt de demain. A Pontarlier, comme ailleurs, on teste différentes initiatives. Cela passe, par exemple, par la replantation d’espèces d’épicéas capables de mieux affronter les fortes chaleurs, mais le passage à la polyculture est devenu une nécessité. Du pin sylvestre et du tilleul viennent d’être plantés sur une parcelle aux Entreportes. Au Théâtre Forestier, c’est du chêne qui a été choisi. A Arçon, à quelques kilomètres de là, la commune, dans le cadre d’un dispositif financé par le Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, s’est intéressée au Cèdre. Pas toujours facile de prendre les bonnes décisions. C’est la raison pour laquelle les communes et l’ONF mènent une véritable réflexion sur le sujet et avancent avec parcimonie. Une chose est certaine, tout monde est conscient que la forêt doit être protégée et que la gestion du réchauffement climatique passe par ces espaces naturels.

« Changeons aussi nos pratiques »

Si la composition d’une forêt doit changer, et tout le monde semble s’accorder sur ce point, il est également devenu primordial de s’interroger également sur son rendement et les pratiques qui y sont associées. Les communes forestières doivent évoluer et considérer la forêt autrement. Les revenus qu’elle apporte sont à  relativiser pour mieux la protéger et lui permettre d’apporter tous les bienfaits qu’elle est en capacité de fournir.

Le reportage de la rédaction / Daniel Defrasne ( élu en charge de forêt). Hugo Pierre ( responsable de l'unité territorial de Pontarlier/Morteau)

 

Depuis 2018, des attaques de scolytes d’ampleur épidémique touchent le Nord-Est de la France. Les régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté sont particulièrement atteintes. Les scolytes sont des parasites secondaires, qui s’attaquent aux arbres affaiblis, par la sécheresse par exemple. Cependant, à un niveau épidémique, ils peuvent attaquer des arbres sains. Et même si ces derniers ont des mécanismes de défense, si le nombre d’attaques devient trop important, l’arbre ne peut plus lutter. Nous nous sommes entretenus avec Florent Dubosclard, directeur de l’agence de l’ONF du Jura.

 

Les scolytes sont une famille de coléoptères xylophages de petite taille. Le scolyte typographe s’attaque aux Epicéas et il est particulièrement dévastateur. Les femelles fécondées creusent des galeries sous l’écorce et y déposent leurs œufs. Après l'éclosion, les larves se développent perpendiculairement de part et d’autre de la galerie principale. Le développement des insectes détruit des cellules permettant la circulation de la sève ce qui provoque la mort de l’arbre. A chaque génération les scolytes se multiplient rapidement, une femelle peut pondre jusqu’à 80 œufs. Initialement déclenchée en région Grand Est, l'épidémie de scolytes s'étend désormais sur la quasi-totalité des forêts d'épicéas, de la moitié nord de la France (Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Normandie) à l’Auvergne Rhône-Alpes. Le typographe est le scolyte commettant les plus gros dégâts dans les forêts d’épicéas, notamment dans le Grand-Est.

 

Quelles sont les causes du scolyte ?

« Nos forêts souffrent du changement climatique ce qui a pour effet de les rendre plus vulnérables, et de développer différentes maladies. Ces scolytes ont toujours existé, en revanche en période de sécheresse et de fortes températures ces populations de de scolytes ravageurs explosent, et contaminent la plupart de nos forêts. Et c'est le cas depuis 2018. On a connu dans l'histoire de la foresterie quelques pics, en revanche aucun de cette intensité et de cette durée. Depuis 2018 ce sont plusieurs centaines de milliers de mètres cubes de bois résineux que l'on a dû récolter parce que ces bois étaient morts sous les attaques répétées de de ces insectes ».

 

Comment reconnaître un arbre contaminé ?

Partout où l'épidémie frappe, une modification de l'aspect paysager est à prévoir. Au-delà des coupes exceptionnelles, le dépérissement des épicéas modifie l'aspect de la forêt. En effet, les arbres attaqués par les scolytes sont facilement identifiables par le changement de la couleur de leurs aiguilles, virant du vert au brun, puis par leur disparition totale. Dans le paysage, les groupes d’arbres atteints depuis un certain temps sont facilement repérables grâce à la couleur des houppiers rouges ou gris selon l’ancienneté de l’attaque. Dans ce cas, les scolytes se sont déjà envolés et ont colonisé d’autres arbres. Il est compliqué de détecter précocement les scolytes. La couleur des houppiers est un indice qui intervient trop tardivement. Des indices plus discrets comme la présence de sciure rousse par exemple permettent de détecter une attaque récente.

 

Qu’arrive-t-il au bois infesté par les scolytes ?

« Ces bois gardent leurs propriétés technologiques, donc peuvent être utilisés comme des bois frais en charpente en bois de construction notamment. Dès lors que nous les récoltons rapidement après qu'ils aient été contaminés. Donc ils rentrent dans le marché de marché du bois et sont valorisées comme leurs comme les bois frais, comme les bois verts »  

 

Il faut donc récolter ces bois le plus rapidement possible après la contamination ?

« Dès qu'ils commencent à sécher, si on attend trop, ils se déprécient et ne peuvent plus être utilisés. Ce qui fait que l'on récolte non pas les bois que l'on aurait identifié comme étant bon à récolter en période normale, mais bien les bois qui sont morts. Donc pas forcément ceux qui seraient le plus pertinent à récolter. Et derrière ces récoltes nombreuses, des efforts importants de reconstitution de boisement sont également engagés pour renouveler nos forêts. Dès lors que ces forêts sont abîmées par ces attaques de ravageurs, ça nous perturbe et nous oblige à les reconstituer avec des essences un peu plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques que l'on rencontre aujourd'hui et qui vont se durcir à l'avenir on le sait ».

 

Comment lutter efficacement contre ce scolyte ?

« Il n’existe pas vraiment de méthode pour lutter. En tant que gestionnaire, on conduit des sylvicultures et qui intègrent ce nouveau risque en diversifiant les espèces d'arbres que l'on va favoriser dans nos forêts, en intégrant certaines espèces qui sont plus résistantes aux assauts du climat. Et puis en conduisant des sylvicultures plus dynamiques, pour faire en sorte que nos forêts soient plus résistantes, plus résilientes face à ce nouveau climat ».

 

Avez-vous souffert de cette épidémie ces dernières années ?

« C’est un vrai fléau, on sort là d'une année 2021 qui a été une année de répit, puisque la météo a été favorable en étant plus fraîche et plus humide. Donc on a eu une baisse des attaques de scolytes en 2021, mais on sait que c'est un répit avant un redémarrage que l'on espère être le plus tard possible. Mais on sait que ce que l'on a vécu de 2018 à 2020 va se reproduire dans un futur proche, c'est inévitable ».

 

Comment appréhendez-vous la hausse des températures, et l’approche de l’été ?

« Pour l’instant on est dans les starting-blocks. On constate que depuis le début d'année on a un déficit de pluviométrie. Les températures sont agréables en tant que citoyen, mais inquiétantes en tant que forestier. Et si on ne constate pas d'amélioration d'ici à cet été, on craint une reprise de cette épidémie de scolytes ».