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Depuis près de 30 ans, le Secours Catholique publie chaque année son rapport sur l’état de la pauvreté en France. Cette analyse de la pauvreté s’appuie sur les données collectées par les acteurs de terrain et permet de donner un éclairage sur la situation des personnes les plus précaires en France. Cette année, la forte inflation induit une nette aggravation de la pauvreté pour tous, et particulièrement pour les femmes, qui sont les premières touchées.

 

Dans un contexte de forte inflation, notamment sur l’alimentation et l’énergie, les statistiques apportées par le Secours Catholique dévoilent une nette aggravation de la pauvreté en 2022. « Et tout porte à croire que cette dégradation se poursuit en 2023, comme en atteste la forte hausse du nombre de personnes faisant appel à l’aide alimentaire des associations Â» indique le Secours Catholique. Parmi les personnes accueillies par l’association, le niveau de vie médian a baissé de 7,6% en un an, et s’établit à 538€ par mois en 2022 contre 579€ en 2021. Soit 18€ par jour pour subvenir à tous ses besoins, dont le logement. « C’est moins de la moitié du seuil de pauvreté, que nous estimons à 1211€ en 2022 Â» détaille le rapport du Secours Catholique. Des chiffres 2022 qui corroborent les données de l’INSEE : 95% des personnes rencontrées par le Secours Catholique vivent sous le seuil de pauvreté, et les trois quarts vivent même en situation d’extrême pauvreté.

Antoine Aumonier, délégué du Secours catholique en Franche-Comté : 

 

 

Une féminisation de la pauvreté

En 1989, les femmes représentaient 51% des adultes rencontrés par le Secours Catholique. En 2022, cette part est de 57,5%, et même de 60% des adultes de nationalité française. Les premières victimes de la pauvreté sont donc les femmes, et surtout celles avec des enfants. Quatre types de profils ressortent particulièrement, recouvrant la situation de 85% des femmes rencontrées :

  • Les jeunes femmes éloignées de l’emploi (7%). Elles ont moins de 40 ans, sont plus souvent en couple (44%) et avec des enfants à charge (77%). 63% de ces jeunes femmes demandent de l’aide alimentaire.

 

  • Les femmes étrangères exclues du marché du travail (29%). Elles sont majoritairement sans droit au travail (74%). Elles vivent souvent dans des grandes agglomérations, sont relativement jeunes (61% ont moins de 40 ans) et sont en couple (47%). 67% sont sans ressources et la quasi-totalité vivent sous le seuil d’extrême pauvreté.

 

  • Les femmes « actives Â» (38%). 88% ont entre 25 et 65 ans, et près de la moitié sont des mères seules (47%). Un quart ont connu une séparation récente ou abandon. En emploi ou au chômage, elles ont des revenus un peu moins faibles que les autres femmes rencontrées mais des charges trop importantes.

 

  • Les femmes plus âgées isolées (11%). En grande majorité, ces femmes de 55 ans et plus sont de nationalité française (89%) et vivent seules. Elles résident plus souvent dans des communes rurales. Elles perçoivent des revenus moins faibles que les autres profils et ont des situations plus stables, sur le plan du logement notamment. Mais ces femmes rencontrent souvent des problèmes de santé et des situations de précarité singulière, notamment due à l’isolement.

 

 

Une situation tendue sur la bande frontalière du Haut-Doubs 

Si cette région bénéficie de l’image d’un territoire riche et clinquant, encore beaucoup de personnes travaillent en France, perçoivent des revenus français, et sont obligés de se loger dans une bande frontalière, où les prix sont très onéreux. « Il y a des gens qui travaillent et vivent dans leur voiture. Ils n’ont plus les moyens de se loger sur le territoire Â» explique Nathalie, animatrice du réseau de solidarité sur la bande frontalière du Haut-Doubs. « Il faudrait des loyers acceptables, et plus de logements sociaux. Il y a des logements inoccupés qui devraient se transformer en logement sociaux Â».

Témoignage de Nathalie, animatrice du réseau de solidarité sur la bande frontalière du Haut-Doubs : 

Le Secours Catholique vient de rendre publique son traditionnel baromètre sur l’état de la pauvreté en France en 2022. Il en ressort une nouvelle fois encore que la précarité s’aggrave et que les crises successives actuelles et à venir, liées à l’énergie et à l’inflation, vont encore aggraver une situation déjà bien compliquée. Le Covid est également passé par là. Les aides de l’état ont permis d’accompagner au mieux les plus démunis durant cette période, mais la fin de ces dispositifs replonge ces publics dans les méandres de la pauvreté.

En 2022, en Franche-Comté, le secours catholique et ses 1000 bénévoles ont rencontré 15.000 personnes. Nombreuses sont les familles dans la plus grande des détresses. Elles représentent près de 50% du public accompagné. 25% sont des mères isolées et 21% sont des couples avec enfants. Pour ces hommes et ces femmes, le quotidien est des plus difficiles. Plus de la moitié (69%) vivent avec 548 euros par mois, pour le ménage. Soit la moitié du seuil de pauvreté qui s’établit à 1.132 euros. Pour des raisons multiples, mais aussi par dignité, beaucoup de ces personnes préfèrent ne pas faire les démarches nécessaires pour obtenir les aides qui pourraient améliorer le quotidien, qu’il s’agisse du RSA ou des allocations familiales. Ce taux de non-recours interroge le monde associatif. Il est deux fois plus élevé dans la population étrangère

Le reste à vivre

C’est un indicateur fort qui prouve, une nouvelle fois encore, la véritable précarité dans laquelle se trouvent ces personnes. Les dépenses pré-engagées, celles qui correspondent aux impondérables, prennent une place importante dans leur budget. Le loyer, l’énergie, le téléphone, les assurances, l’eau, … représentent 60% de ce dernier. Cette même part s’élève à 30% sur un revenu moyen. Compte tenu de ce contexte, le reste à vivre est estimé à environ 5 euros par jour et par personne.

Les recommandations du Secours Catholique

L’association appelle l’état à prendre des mesures fortes pour lutter contre cette pauvreté qui ne cesse de s’installer en France. Antoine Aumonier, le délégué régional de l’organisation, juge les efforts consentis « insuffisants Â» et ne répondant pas à la prise de conscience qu’exige la situation. Le Secours Catholique demande notamment au gouvernement de « relever les minimas sociaux, veiller à l’accessibilité de tous aux biens et services essentiels, de sortir les ménages les plus en difficulté du piège des prix élevés de l’énergie, de renforcer les politiques publiques liées à la rénovation énergétique des logements et de faire vivre le droit à la mobilité durable pour tous Â».

L'interview de la rédaction / Antoine Aumonier

Le Secours catholique dévoilait ce jeudi les résultats de son rapport statistique annuel. Cette année, il a choisi d’affiner son analyse sur la question spécifique de l’aide alimentaire et de l’accès à l’alimentation, à travers une enquête complémentaire menée auprès de 1088 ménages qui ont eu recours à cette aide alimentaire d’urgence allouée durant le premier confinement, de mars à mai 2020.

 

Des chiffres alarmants

Le Secours catholique tire la sonnette d’alarme concernant la précarité alimentaire en France, et en Franche-Comté. A l’échelle nationale, ce sont 770.000 personnes qui ont eu recours à une aide alimentaire de la part de l'association en 2020, et sur la région c’est environ 14.000 Francs-Comtois qui sollicitent l'association pour se nourrir. Concernant le profil de ces personnes, la plupart vivent en dessous du seuil de pauvreté fixé à 1 102 euros par mois et sont souvent des familles monoparentales, à 90% des femmes vivant seules avec leur enfant. Les jeunes de moins de 25 ans sont également présents et représentent 10% des personnes accueillies. Les bénéficiaires du secours catholique gagnent en moyenne 537 euros par mois.

 

antoine aumonier

Antoine Aumonier, délégué du Secours catholique Franche-Comté

 

"L'association s'entoure de la banque alimentaire et de dons pour aider les personnes à se nourrir convenablement. De plus, des actions sont mises en place selon les endroits. À Besançon, un jardin solidaire a été créé afin de permettre aux gens de planter et récolter des légumes. À Saône, dans le Doubs, des paniers sont également confectionnés à partir de produits locaux et majoritairement bios". 

 

Les propositions du Secours catholique

Plusieurs préconisations sont proposées par le Secours catholique. La première est celle de l’augmentation du plancher social, pour toutes les personnes aujourd’hui en difficulté. « Ces personnes-là sont celles qu’on a vu arriver à cause de la crise sanitaire. Si elles avaient eu un plancher social de qualité, c’est à dire un revenu minimum garanti pour les plus de 18 ans, sous condition de ressource, mais accessible aussi à des étrangers sans conditions d’être resté 5 ans sur le territoire français, ça permettrait, si on prenait 50% du revenu médian, autour de 900€, d’encaisser ces chocs-là. De ne pas obliger ces gens à vivre une forme d’humiliation, à se retrouver tout d’un coup sans rien, avec de l’inquiétude, et de devoir aller mendier de l’aide alimentaire Â» explique Antoine Aumônier. Et puis, dans le domaine de l’aide alimentaire proposée, la qualité de celle-ci a aussi toute son importance. « Il faut éviter d’habituer les plus pauvres à la nourriture low-cost. Elle est moins bonne et moins nutritive Â» explique le délégué du Secours catholique Franche-Comté. « Il faut qu'on puisse choisir avec les personnes, que ce ne soit pas quelque chose qui leur soit imposé. Et puis il faut qu’on puisse aussi animer avec eux, que ce soit l’occasion de chercher ensemble des solutions à une précarité qui va bien au-delà de l’aide alimentaire Â» poursuit-il.

 

Plusieurs facteurs à la précarité alimentaire

Antoine Aumonier pointe du doigt le non-recours, qu’il qualifie de cheval de bataille du secours catholique, année après année. « Ce qui nous inquiète est que ce chiffre bouge peu. On se rend compte qu’un tiers des personnes éligibles au RSA ne le sollicite pas. Plus de 25% des personnes éligibles aux allocations familiales ne les sollicitent pas. Souvent ce sont des personnes d’origine étrangère, donc ça fait mentir aussi ce préjugé. Les raisons pour lesquelles ils migrent sont bien plus graves. On a fait un rapport sur cette question-là cette année, et on préconise une forme d’automaticité d’un certain nombre de ces allocations, pour éviter le parcours du combattant qu’il y a pour les solliciter, qui sont en grande partie responsable de leur non-demande Â», explique-t-il. Dans la région, la mobilité est aussi responsable en partie de la précarité alimentaire. Les grandes surfaces, souvent excentrées, apparaissent aussi comme des contraintes. La plupart des bénéficiaires n'ont pas le permis ou ont difficilement accès aux services de mobilités, ce qui les dirige vers les commerces de proximité, plus coûteux.