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Colère des agriculteurs : l’écologie sacrifiée ?

Publié le 05 Fév. 2024 à 17:02
Tags: agriculture |
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Colère des agriculteurs : l’écologie sacrifiée ?

C’est la grande interrogation des associations de défense de la nature et de leurs militants, mais aussi de certains agriculteurs. Les mesures prises par le gouvernement, lors de la dernière crise agricole, en matière d’environnement et de protection de la biodiversité, interpellent.  Il est notamment fait référence à la « pause » du plan écophyto. Certains regrettent que les négociations n’aient été menées qu’avec un seul syndicat, en l’occurrence avec la FDSEA, oubliant les autres composantes de l’agriculture française. Maxence Belle, le président de France Nature Environnement Bourgogne Franche-Comté,  a répondu aux questions de Plein Air.

L’écologie n’a-t-elle pas été la grande oubliée des dernières mesures prises par le gouvernement ?

Il est clair que le problème de la crise écologique n’a pas été traité. Il n’y a pas de mesures qui ont montré une considération de ces enjeux-là. Je pense que sortir de la crise agricole, dans laquelle on se trouve actuellement, revient à trouver des solutions dans l’écologie et la transition agroécologique.

On pense à la santé de tous, via la suspension du plan écophyto. Qu’en pensez-vous ?

On déplore effectivement le fait qu’il y ait aucune mesure concernant ce plan. Depuis qu’il a été créé, malheureusement, il  n’a pas prouvé son efficacité. Puisque l’on a vu une augmentation de l’utilisation des pesticides en France, sur une dizaine d’années, de plus de 10%. Aujourd’hui, les pesticides qui sont utilisés par l’agriculture sont responsables de la pollution des nappes phréatiques. Environ 80% des nappes souterraines, en France, sont contaminées par des pesticides. Environ 15% de ces nappes d’eau ont à des seuils de pesticide au-delà des normes de consommation potable. C’est donc un problème majeur. C’est également un problème pour les dizaines d’années qui vont suivre. La rémanence de ces produits dans l’eau est très longue. Ne pas considérer ce problème et considérer que l’agriculture française peut continuer d’avoir des pratiques dégradantes pour la qualité de la ressource en eau potable, ressource qui se raréfie, c’est  se voiler la face et ne pas considérer un enjeu majeur pour les années à venir.

Comment se positionne France Nature Environnement. C’est la mise en danger de la vie d’autrui. C’est l’agriculture productiviste qui a gagné ?

Je ne sais pas si elle a gagné. Je ne sais pas si elle gagnera au final. Nous concernant, on ne souhaite pas s’opposer à la colère des agriculteurs. On n’est pas dans une volonté de faire un face à face. On est plutôt dans la recherche de solutions. Nous n’avons pas attendu la crise de ce mois-ci pour travailler avec le monde rural et l’agriculture. Bien au contraire. Cela fait des dizaines d’années que le réseau France Nature Environnement travaille avec le monde agricole pour trouver des solutions. On travaille avec le milieu agricole sur tout ce qui est reconstitution du bocage,  sur la gestion des haies pour faire en sorte que l’agriculture puisse être durable et résiliente. L’agriculture rencontre un véritable problème qu’est le changement climatique. Pour s’adapter au changement climatique, l’agriculture va avoir besoin de faire une transition agroécologique et de mieux s’intégrer dans les écosystèmes dans lesquels elle travaille. Ce n’est certainement pas en utilisant plus de pesticides. Je crois également que l’on a trop tendance a considéré l’agriculture comme un seul bloc. Il y a des nuances dans les propositions. Ce qui est défendu par l’organisme majoritaire, c’est l’agriculture industrielle. Mais, tous les agriculteurs, loin de là, ne se retrouvent pas dans ce modèle-là. Il y a des alternatives et des mouvements agricoles qui ne vont pas dans le même sens.

Toutes ces forces en présence sont capables d’échanger autour d’une table ? Cela paraît tellement utopique ?

Ce n’est pas facile. Il ne faut pas se le cacher. Mais il faut faire confiance en l’intelligence des hommes et des femmes qui arrivent à travailler et vivre ensemble depuis longtemps. En Franche-Comté, nous avons une tradition coopérative, que ce soit dans l’industrie ou dans l’agriculture. Il faut que l’on s’inspire de l’exemple des fruitières à comté ou des usines LIP pour trouver des solutions qui puissent relever du compromis. Aujourd’hui, ce que l’on déplore, c’est qu’un certain nombre de décisions, prises par le ministre, ont été faites à huis-clos, avec un seul syndicat, une seule idée, une seule nuance. Je suis prêt à parier que de nombreux agriculteurs ne se retrouveraient pas dans l’arrêt total des normes environnementales par exemple.

Savez-vous comment les choses vont s’organier dans les semaines à venir ?

On ne va pas être dans une réaction à chaud de l’actualité de la crise actuelle. On a des choses enclenchées. On va continuer à travailler avec les exploitantes et les exploitants qui travaillent avec nous, qui ont besoin d’accompagnement, et qui veulent réfléchir à des solutions.  On n’est pas sur la construction d’un projet spécifique, par rapport à ce qui est traversé. Nous sommes dans notre domaine de compétences : aider les agriculteurs à mieux faire pour la biodiversité. On ne va pas être des experts sur comment faire en sorte que les agriculteurs aient un meilleur revenu. Il ne faut pas oublier que c’est de là que part la crise. Les agriculteurs souffrent d’un manque de rémunération. C’est structurel. Il faut travailler là-dessus. Ce n’est pas le rôle de France Nature Environnement de les accompagner sur ce point. On ne va s’inventer une compétence là-dessus.

L'interview de la rédaction : Maxence Belle

Dernière modification le lundi, 05 février 2024 17:41