Choix du secteur :
Se connecter :
 

Depuis jeudi dernier, des violences urbaines éclatent dans certains quartiers de Besançon, comme dans le reste de la France, suite à la mort de Nahel. Le quartier prioritaire de Planoise est particulièrement touché. Alors, comment comprendre cette colère et agir à long terme pour que cette situation structurelle ne se reproduise pas ? 

Tentatives de réponses dans ce dossier avec, en première partie Fodé Ndao, champion de karaté et fondateur du Club Sauvegarde. 

 

Réfléchir, avant tout. C’est ce que Fodé Ndao ne cesse de répéter aux jeunes qu’il encadre et à son propre fils. On le rencontre au 6 rue Pablo Picasso, le Club Sauvegarde, en plein cœur du quartier de Planoise. Avant de mener l’interview, le champion de karaté nous demande quelques minutes pour régler un conflit à propos d’une sortie au lac avortée au sein du club. Pour comprendre les tensions, la recette est simple : écouter, chacun, chacune. Avant d’émettre un quelconque avis, Fodé veut entendre tout le monde isolément. 

Cet exemple met en lumière l’avis et la philosophie de vie du karatéka qui “voit dans le sport les valeurs fédératrices” d’où peuvent émerger la paix. 

Le sport, une visée éducative

Fodé est vice-champion du monde de karaté et plusieurs fois champion d’Afrique. Véritable légende dans son quartier et dans son pays d’origine, le Sénégal, il veut mettre à profit son expérience pour éduquer les jeunes. Dans son Club Sauvegarde, fondé en 2003, il discute tous les jours avec des mineurs et essaie d’initier chez eux des réflexions, sans imposer son point de vue. Le sport, pour lui, “n’est pas politique”. Éloigné de ces considérations, il peut avoir des “valeurs éducatives” avec les moments de partage qu’il suscite. Quand on lui demande si l’Etat est assez présent pour l’aider dans son action, nécessaire et bénéfique dans ce quartier, Fodé affirme : “il ne faut pas toujours se demander ce que l’Etat peut faire pour nous, il faut aussi se demander ce que l’on peut faire pour l’Etat”. Il remercie les collectivités pour leur aide financière mais estime que c’est par les relations humaines, avant tout, que la société peut sortir par le haut.

Préférer la responsabilité de chacun à la responsabilité des parents

On entend beaucoup dans les médias que la responsabilité de ces violences, réalisées par des très jeunes, revient en premier ordre aux parents. Fodé préfère imputer un rôle à toute la société qu’il voit “comme un village”. “Le village, c’est le boulanger, le voisin, le passant, l'instituteur qui doit être respecté par tout le quartier”. Chaque personne sur le passage d’un jeune le construit. Et quant au rôle des “grands frères”, c’est un terme fondé politiquement selon lui. La responsabilité doit être collective pour Fodé et la solution dans le dialogue. 

“Les violences, on ne les traite pas, on les juge”

Ce dialogue, il ne peut être seulement répressif et Fodé déplore le jugement de ces violences, sans compréhension. Dans ses actions, comme avec l’initiative des caravanes des pieds d’immeubles qui débute dès ce lundi 10 juillet, il prône le dialogue. Cet évènement, qui présente des activités sportives aux jeunes, durera près de deux mois dans six quartiers différents de Planoise. Il est réalisé en collaboration avec le Centre de loisirs de jeunes de la Police Nationale.

 

Le podcast de la rédaction/ Fodé Ndao  

La parole du Bisontin chef d’entreprise Khaled Cid est intéressante. Son militantisme et ses engagements sont bien connus à Besançon. Comme une très grande partie des Bisontins, il dénonce, à son tour, les violences, exactions et agressions qui sont commises. Il regrette que les émeutiers agissent sans réfléchir aux conséquences de leurs actes. « Ils ne se rendent pas compte que cela  porte préjudice à eux et  leur famille ».

Pour M. Cid, il est important de retisser du lien avec les quartiers. Selon lui, cela passe notamment par une présence humaine plus forte . « Il n’y a plus de grand frère dans les quartiers. Il n’y a plus de médiateur. Il faut multiplier les adultes relais » explique-t-il. Et de poursuivre : « Il faut répondre aux attentes de ces jeunes qui se sentent abandonnés ». Le Bisontin estime que ces adultes en devenir  « vivent dans la société française, mais qu’ils se sentent mis de côté ». « Ils connaissent les codes. Ils savent tout ce que la République française offre en termes d’assistance, mais aussi ses règles et la répression qu’elle applique. Néanmoins, ils s’y sentent  à l’écart. Ils se voient comme les rebus de la République » analyse-t-il. Et de conclure : « Aujourd’hui, ils ne voient pas d’espoir. Ils ne voient aucune perspective, aucun avenir possible ».  

Du pain béni pour le Rassemblement National ?

Khaled Cid sait que toute cette violence va profiter au Rassemblement National. « Ce parti  se nourrit exclusivement du chaos. C’est dans ses moments, qu’il prospère. Ils vont profiter de cette situation ».  « On va cibler l’immigration et l’assistanat. Tous les arguments vont être repris. Le parti de Marine Le Pen va être mis en valeur. Ces débordements donnent justification à toutes ces personnes qui ont des mauvaises idées ou connaissent mal les quartiers ».

L'interview de la rédaction : Khaled Cid

Ce lundi matin, en hommage aux élus agressés durant les récentes violences urbaines, un rassemblement s’est tenu devant la mairie de Besançon, sur l’Esplanade des Droits de l’Homme. Plusieurs élus, actuels ou anciennement aux responsabilités, y ont participé. On notera également la présence de citoyens. La Maire bisontine Anne Vignot a pris la parole. Christine Bouquin (présidente du Conseil Départemental du Doubs), Karima Roschdi ( élue bisontine, représentant la majorité présidentielle), Jacques Grosperrin ( sénateur du Doubs), Laurent Croizier et Eric Alauzet (députés du Doubs), Ludovic Fagaut ( chef de file de l’opposition de droite à Besançon), Abdel Ghezali (1er adjoint à la ville de Besançon) et Michel Viennet ( élu bisontin) étaient notamment à ses côtés.  Jean-Louis Fousseret (ancien Maire de Besançon) et Claude Jeannerot ( ancien président du Conseil Départemental du Doubs) ont également répondu à l’invitation.

ELUS ELUS 2

Quelques réactions

Anne Vignot : « Aujourd’hui, nous sommes dans une société qui dit le respect dans lequel nous devons être. Il est utile pour que l’on puisse vivre ensemble. On ne peut pas accepter un déploiement de violences comme celles-ci. C’est incroyablement injuste. Quand,  en plus, on s’attaque à la famille d’un élu, on abîme la République. Quand on abîme la République, il faut être uni. Nous sommes dans quelque chose de très grave. C’est que l’on considère qu’on peut se faire justice soi-même. Il faut rappeler que la violence n’a jamais fait justice ».

Laurent Croizier : « Nous devons être réunis derrière l’autorité de l’Etat et les lois de la République. On ne peut pas accepter ce qui s’est passé dans les banlieues. On ne peut pas accepter que les bâtiments de la République soient détériorés. Au final, c’est l’état qui est touché, mais également le quotidien des habitants. Quand un habitant d’un quartier n’a plus sa bibliothèque, n’a plus ses commerces de proximité, n’a plus sa mairie, pour y faire ses démarches administratives, l’Etat n’existe plus. Il faut absolument se battre pour défendre les services publics, l’autorité et les lois de la République ».

Eric Alauzet : « Je reçois régulièrement des menaces et des intimidations sur les réseaux sociaux. On est par exemple  venu incendier un véhicule chez moi, sur un parking privé. Deux voitures ont pris feu. Ils se sont trompés de véhicules et se sont deux automobiles de mes voisins qui ont brûlées. Les flammes ont léché la façade. Heureusement que les pompiers sont intervenus rapidement. Ce qui était terrible, c’est qu’ils sont venus  dans mon domaine privé. Mon épouse a été particulièrement choquée. Je me mets à la place du Maire de L’Haÿ-les-Roses. Sa maison a pris feu et ils ont dû s’enfuir. Nous, les élus, n’avons pas envie de reculer et de plier face à ces menaces, ces intimidations et ces agressions. Néanmoins, quand cela touche la famille, c’est à un autre niveau. C’est tellement lâche. C’est tellement minable.

Karima Roschdi : « Il n’y a pas de place pour la violence. Il faut que l’on soit tous unis. La société a besoin que l’on travaille ensemble, que l’on aille dans le même sens. L’expression des quartiers n’est pas du tout adaptée. Elle génère de la violence, de l’angoisse, tout ce qui est négatif ».

Michel Viennet : « C’est le minimum. On se doit d’être en solidarité avec l’ensemble des élus et des maires qui portent la République. Nous devons dénoncer tous ce qui s’est passé ces derniers jours, notamment en direction des élus.  C’est du jamais vu. Le problème, c’est que cela progresse, cela empire tous les jours. Aujourd’hui, il faut dire STOP. Que l’on retrouve de la sérénité et que les élus puissent mettre en œuvre leur responsabilité en toute quiétude ».

Jean-Louis Fousseret : « Il est important que la population soit associée à cette manifestation, où nous montrons la volonté d’être tous unis dans la crise que nous traversons actuellement. Nous devons combattre cette bande de fous furieux qui espèrent entraîner notre pays dans le chaos. C’est inimaginable. On attend des réponses fermes du gouvernement. Il faut inventer de nouveaux dispositifs pour répondre aux questions qui se posent ».

JEAN LOUIS FOUSSERET ELUS

Demain, cela fera une semaine que Nahël a été tué lors d’un contrôle de police à Nanterre. Depuis ce drame, chaque soir, des émeutes enflamment les quartiers dans toute la France. A Besançon, des incidents ont éclaté particulièrement dans les quartiers de Planoise et Clairs-Soleil. Une agence bancaire a été brûlée, des feux ont été déclenchés sur la route, des véhicules ont été incendiés et quelques boutiques ont été pillées. Le parquet de Besançon est très clair : des interpellations auront lieu très prochainement.

 

« Je peux vous assurer qu'il y aura des poursuite »

Cette vague de violences ne laisse pas les forces de l’ordre impassibles. Elles ont déjà procédé à une saisie impressionnante ce vendredi, dans le quartier de Planoise, en confisquant 54.000 mortiers et artifices dans un commerce de la place Cassin. Etienne Manteaux, le procureur de la République de Besançon, tenait une conférence de presse ce lundi matin, pour assurer que le maximum sera fait afin d'identifier les auteurs de ces incivilités. Il a rappelé les faits les plus graves, survenus dans la nuit de jeudi à vendredi, comme l’incendie de l’agence bancaire Crédit Mutuel ainsi que le pillage de l’Euro Market et d’un débit de tabac. S’il n’y a pas eu d’interpellation le soir des faits, les policiers n’étant pas en nombre suffisant, Etienne Manteaux a bien précisé qu’il y en aurait très prochainement. Pour l’heure, les caméras et la vidéosurveillance sont analysées par les enquêteurs de la police judiciaire et de la sûreté départementale. « Cela va nous permettre d’élucider et d’identifier très clairement certains faits. Dans les jours et semaines à venir, au fur et à mesure de l’identification formelle de certains auteurs de ces dégradations par incendie, de ces vols aggravés par plusieurs circonstances, je peux vous assurer qu’il y aura des poursuites. Nous allons procéder à des interpellations » promet Etienne Manteaux. Pour rappel, les dégradations par incendie ou vols aggravés par trois circonstances sont punis de dix ans d’emprisonnement.

 

Etienne Manteaux, le procureur de la République de Besançon : 

 

 

Les parents, civilement responsables, cités devant le tribunal

Actuellement, 9 individus ont été interpellés dans la nuit de vendredi à samedi et 4 dans la nuit de samedi à dimanche. Un homme en possession de masques et d’engins pyrotechniques a été placé en garde à vue. Deux mineurs à proximité d’un véhicule incendié ont aussi été interpellés. D'abord pris en chasse, l’un d’entre eux a laissé échapper une bouteille d’essence lors de sa fuite. Les policiers, après les avoir rattrapés, ont aussi constaté des traces de brûlures au niveau du visage de l'un de ces individus. Des adolescents très jeunes, inconnus de la justice, qui seront présentés à un juge pour enfant en présence de leurs parents. Ces deniers auraient été motivés par l’élan grandissant des réseaux sociaux. Mais Etienne Manteaux prévient : « Les parents sont civilement responsables. À ce titre, ils seront cités devant le tribunal. On ne peut pas impunément casser et violenter. Les parents ont des obligations »

 

Dans le cadre des violences commises contre les élus lors des dernières violences urbaines, un rassemblement se tiendra à midi, sur l’Esplanade des Droits de l’Homme, devant la mairie de Besançon. Un rassemblement identique est prévu à Dole à la même heure. Rappelons que plusieurs élus ont été agressés par des émeutiers, depuis la mort du jeune Nahel à Nanterre. Dans la nuit de samedi à dimanche, le domicile de Vincent Jeanbrun, le maire de l’Haÿ-les-Roses, a été la cible d’une voiture bélier. Sa femme et ses deux enfants ont dû quitter les lieux. Ils sont tous les trois blessés.

Ce lundi 3 juillet, à l’appel de l’association des Maires de France, un rassemblement pour soutenir les victimes, les élus, les sapeurs-pompiers et les forces de l’ordre, se tiendra à 12h devant l’Hôtel de Ville, place de l’Europe, à Dole. La municipalité jurassienne veut également par cette initiative appeler à « un sursaut civique ».

La Ville de Besançon indique dans un communiqué de presse que les transports urbains seront encore perturbés ce samedi, comme hier. De nouvelles violences sont encore possibles à Besançon ce soir et cette nuit. Elles font écho au décès du jeune Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre.  La circulation du tram ne sera plus assurée à partir de 18h30. Des perturbations sont à prévoir sur le trafic des bus. L’arrêt total du service est programmé pour 21 heures.

De nouveaux débordements ont été constatés vendredi soir à Besançon, en marge des violences urbaines survenues pour la quatrième nuit consécutive partout en France, après le décès de Nahel à Nanterre. Selon la ville de Besançon, la situation a plutôt été calme. Et ce, grâce à un renforcement des moyens de sécurité.

Plusieurs tentatives ont été avortées grâce à la mobilisation de la police nationale.  Six feux de conteneurs à poubelles ont été constatés à Planoise, les Clairs Soleils et Saint-Claude. Des abris bus ont été cassés.  On notera également que les vitres de la médiathèque Aimé Césaire ont été brisées.  Des éclats de verre ont été découverts. Une situation qui oblige la Ville à fermer le site aujourd’hui pour nettoyer les lieux.nah

Les partis politiques réagissent différemment aux violences urbaines que connaît actuellement notre pays. Ce matin, à Pontarlier, Lutte Ouvrière, menait une opération de tractage et de rencontre avec la population. Pour ses militants, la colère qui s’exprime actuellement dans le pays et la société est une révolte contre un système qui aggrave les inégalités et fait preuve de violences lui-même. Le parti reconnaît une vraie légitimité à cette colère qui s’exprime. Il invite néanmoins cette jeunesse à trouver d’autres voies pour l’exprimer, en se mobilisant pour changer le système et en privilégiant la convergence des luttes.

« Ce n’est pas une mort anodine. C’est le reflet d’un certain comportement des policiers » explique Claude Cuenot. Et de poursuivre :  « il faut que cette colère trouve la voie d’une révolte consciente . Autrement dit, préparer un changement de système et d’aller vers la voie de la révolution avec l’ensemble des travailleurs ».

Pour Lutte Ouvrière, cette violence s’inscrit dans un contexte social global de baisse du pouvoir d’achat, de non-augmentation des salaires et d’allongement de l’âge de départ à la retraite notamment.

L'interview de la rédaction / Claude Cuenot

Sur son compte twitter, Anne Vignot, la maire bisontine assure qu’elle est en lien permanent avec les autorités nationales « pour prendre des mesures pour protéger la population ». L’édile dénonce les évènements qui se sont déroulés la nuit dernière à Besançon. Elle  ajoute que la municipalité « est auprès des habitants et des agents des collectivités dans tous les quartiers touchés ».