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Levier : Rencontre avec les professionnels agricoles de demain (2/2)

Publié le 22 Mar. 2023 à 14:03
Tags: agriculture | jeunesse | levier |
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Levier : Rencontre avec les professionnels agricoles de demain (2/2)

Ils sont la nouvelle génération d’agriculteurs. Actuellement en formation au lycée agricole de Levier, Louis, Hugo, Léonie, Estelle suivent un BTS « Analyse conduite et stratégie de l’entreprise Â», dans le cadre d’un cursus scolaire ou en apprentissage. Ils ont tous le projet d’évoluer dans l’agriculture. Petits fils, fils, compagne, encore ou neveux d’agriculteur, ces jeunes gens portent un regard lucide, mais déterminé et passionné. Plein Air les a rencontrés pour échanger avec eux sur différents sujets.

 

L’agriculture, un milieu de passionné et de transmission, mais incertain

Chacun a son propre parcours, son propre chemin et ses propres ambitions. Qu’ils aient été bercés depuis leur plus tendre enfance dans le monde agricole, transformant au fil des années ce milieu en passion, comme c’est le cas pour Louis. Ou encore pour reprendre le flambeau, la ferme familiale que leurs parents et grands-parents ont construit et continuer de la faire perdurer, à l’image d’Hugo. Estelle quant à elle, combine ces deux aspects. « C'est un métier de passion avant tout, et je souhaite pérenniser l'exploitation familiale qui est là depuis plusieurs générations. Celles qui ont tout créé depuis le début Â». Mais aussi pour se reconnecter à son environnement, en travaillant dehors, avec le vivant, comme le souligne Léonie. « Cela implique certes une certaine responsabilité, mais avant tout une certaine liberté Â». La jeune femme présente d’ailleurs un cursus particulier. Titulaire d’un Bac scientifique, elle décide de poursuivre son rêve en devant coiffeuse, avant d’être durement impactée par la crise sanitaire. C’est alors qu’elle découvre réellement toutes les facettes du monde agricole aux côtés de son mari, agriculteur, en se lançant à son tour dans cette grande aventure.

 

 

Répondre aux nouveaux enjeux environnementaux et sociétaux

L’agriculture a bien changé en 2023, dans un monde en constante évolution. Et ces jeunes en ont bien conscience : ils devront s’adapter. En faisant évoluer leurs pratiques, tout en les conjuguant avec les réalités environnementales et climatiques. Une situation que Louis appréhende, mais s’apprête à aborder intelligemment. « Il y a tellement de défis à relever par rapport à l'agriculture, par rapport à l'avenir, c’est vrai que ça donne un côté inquiétant et incertain. Mais ça reste tout de même très intéressant Â». Des propos soutenus par Léonie : « Bien sûr, il y a un bon nombre d’incertitudes, notamment concernant le climat et l’environnement. C'est vraiment intéressant, et en même temps très vaste et très dense Â». « Même si c'est l'incertitude, on va essayer d'adapter les exploitations Â» ajoute Hugo.  Â« Ces enjeux vont guider nos nouvelles pratiques, ils vont guider nos réflexions. Chacun doit s'adapter perpétuellement. D’un champ à l'autre, d'une ferme à l'autre, rien n’est acquis Â» poursuit Léonie.

 

 

Communiquer sur son métier, ouvrir les exploitations

Face à des consommateurs de plus en plus pointilleux sur la qualité de leur alimentation et de la production, les jeunes agriculteurs savent qu’ils doivent être en capacité de répondre à ces critères. Savoir vendre tout en défendant leur filière. La communication est un des enjeux majeurs auquel il faut désormais répondre de la meilleure des façons. « Il faut forcément se justifier aujourd'hui. Parce que les consommateurs ne savent plus ce qu'on fait dans les exploitations. Ils entendent beaucoup de choses, et ne savent même pas vraiment si c'est vrai Â» déplore Hugo. « Sur les réseaux sociaux, il y a beaucoup d'idées préconçues. Le consommateur est en demande parce qu’il ne sait plus quoi et qui croire, ce qui est vrai, ce qui est faux. Aujourd'hui on ouvre nos fermes, on tient à montrer ce qu'on fait. Je pense que la société veut en savoir plus Â» indique Léonie. Après le succès impressionnant du salon de l’agriculture cette année, Hugo explique que les français souhaitent désormais « du concret, et que ce n’est absolument pas un problème de le montrer. Bien au contraire Â».

 

 

La zone AOP

Un des avantages attribués à ces jeunes agriculteurs, ce qui peut être porteur d’espoir, est la zone AOP comté dans laquelle ils évoluent. « C'est clairement une force et c’est rassurant. On va tout faire pour ça que dure, pour la protéger, mais il ne faut pas se reposer sur ce qu'on a Â» indique Louis. Ne pas se reposer sur ses lauriers donc, et poursuivre ces que leurs aînés ont bâti. « C'est une force, c'est une richesse, mais c'est aussi une responsabilité. Nos anciens ont réussi à construire cette zone AOP, et aujourd'hui il ne faut pas qu'on la mette en danger. On doit la préserver, aussi pour protéger nos voisins qui eux sont en difficulté. On a peut-être même un petit coup de pouce à donner Â» souligne Léonie. De son côté, Hugo pointe du doigt l’écart significatif de rémunération entre les agriculteurs, en accusant un système de vente inadapté. « On dit souvent qu’on a de la chance d'être dans cette région. Nous sommes dans l’AOP comté c'est bien, mais nous ne sommes pas trop rémunérés. Je pense que les autres le sont vraiment mal, parce qu’ils travaillent tout autant que nous. C'est juste le système de vente qui n’est pas adapté, qui est aux mains des industriels dans les autres régions de France Â».

 

 

Quel avenir pour les agriculteurs, quelle vision de ce métier

Tous ces jeunes agriculteurs s’accordent à dire qu’aujourd’hui encore, ils manquent sincèrement de considération. Qu’il faut venir à bout des clichés encore omniprésents, et de l’image du paysan qu’on se faisait il y a des années en arrière. Les pratiques ont évolué, les agriculteurs aussi. « Aujourd'hui, nous sommes des vrais chefs d'exploitation, des vrais chefs d'entreprise. Nous ne sommes plus seulement les paysans derrières leurs vaches. Et nous sommes aussi là pour porter ce message. Je pense aussi qu’aujourd’hui, l'enjeu en tant qu’agriculteurs, c’est de garder un lien avec la société. Un lien social, en arrivant à concilier vie familiale, vie privée, et vie professionnelle. L'effet du GAEC permet d’avoir des week-ends. Le service de remplacement nous aide aussi à prendre des vacances. C'est un véritable enjeu pour moi. Il faut qu'on travaille avec le vivant, et pas au détriment de notre vie personnelle. Parce qu'aujourd'hui, c'est un agriculteur qui se suicide tous les 2 jours, c’est énorme. Il faut vraiment faire en sorte que ce métier reste supportable et vivable » explique Léonie. Â« Mais aussi transmissible Â» ajoute Estelle. Avant de poursuivre. « C'est important que les générations d'après nous puissent aussi avoir le droit de faire ce beau métier, et de continuer à suivre les bonnes pratiques Â».