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La colère des commerçants de Besançon atteint son paroxysme : “ils tuent le centre ville”

Publié le 19 Juil. 2023 à 16:07
Tags: Besançon | commerce | battant | circulation |
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La colère des commerçants de Besançon atteint son paroxysme : “ils tuent le centre ville”

La décision de la mairie est actée et les travaux débuteront en décembre : les quartiers de la Madeleine et Battant seront fermés aux voitures avec la mise en place de quatre nouvelles bornes de circulation. Une porte d’entrée vers le centre-ville désormais inaccessible et qui renvoie les quatre-roues aux frontières de la Boucle. 

En descendant la rue de la Madeleine, pas besoin de faire plusieurs commerces pour avoir un témoignage agacé d’un propriétaire. Philippe Bonnet, qui tient la boucherie éponyme en bas de la rue, “n’a plus la force de se battre”. ll ne participe même plus au combat que mène l'association de commerçants du quartier qui ont monté une pétition. Le propriétaire est clairement excédé, il tourne en rond en pestant : “ce n’est clairement pas des commerçants qui ont pris cette décision, ils sont derrière leurs graphiques et ne connaissent rien du terrain”. Quand on évoque les réunions de concertation successives que la ville a mis en place, il rit : “c’est une réunion où on nous met devant le fait accompli, on ne nous consulte pas”. “Ils ont même fait des enquêtes avec des policiers pour démontrer que les voitures seraient susceptibles de créer des accidents, on est sur de l’hypothétique !”. Il continue de nous dévoiler les dessous de cette concertation en jugeant ridicule la comparaison avec d’autres villes comme Rouen ou Madrid qui ont grandement piétonnisé. 

Un pari sur l’avenir 

C’est en effet en prenant exemple sur d’autres grandes villes européennes que la mairie, par le biais de Marie Zehaf, adjointe à la circulation, a parié sur la piétonnisation. Un peu plus en hauteur dans la rue, le gérant du CBD Shop comprend cette difficulté : “le changement ça fait toujours peur, c’est douloureux au début”. Avec la promesse d’un meilleur aménagement, de la végétalisation, il espère que les touristes monteront davantage la rue. “Quand ils traversent le pont Battant, ils s’arrêtent à l’Eglise, prennent des photos mais ne vont pas plus loin, le haut n’attire pas”. C’est sa voisine qui habite le quartier depuis 40 ans qui lui a appris la nouvelle. Il craint tout de même des problèmes pour les livreurs qui verront leur travail compliqué par cette disposition. “On verra” est le résumé de son avis : lui qui possède une autre échoppe à Strasbourg espère que le même phénomène se produira. Une piétonnisation qui crée du passage et de l’attractivité. 

madeleine besancon

 

Le scepticisme ou l’opposition franche

D’autres témoignages rejoignent celui du géant du CBD Shop : on doute mais sans avoir un avis franc. Aux zinzins du vin, on s’inquiète surtout pour les travaux qui débuteront en décembre mais “toutes les places ici étaient déjà prises, ce n’était pas un lieu de stationnement”. Du côté de la bouquinerie L’as tu lu, on a surtout peur que les personnes âgées ne se déplacent plus au centre ville. “Aussi, pour les motos qui roulent vite, je pense pas que ce soit la solution”. Au bout du pont Battant à Bois Etc…, on rejoint ce diagnostic. “Cela ne règle pas le problème des nuisances sonores, c’est à la police de le faire”. La propriétaire, qui nous a accueilli en descendant les escaliers par un “Nul !”, estime que c’est un projet pour “pousser le tram”. Le tenant du bureau de tabac quai de Strasbourg suit son idée. “Ces trams, ils tournent à vide et on essaye de forcer. Les gens qui viennent de loin, de la campagne, ils vont s’arrêter à Planoise et prendre les transports ? Il faut arrêter.”. 

La mort du commerce, la mort du centre-ville ? 

Ce même commerçant fustige une décision qui “est contre son camp”. “Je suis ici depuis 2006, on a eu la crise de 2008, le changement du pont Battant en 2013, le Covid puis l’inflation, là on a le sentiment qu’on nous achève”. Le buraliste ouvre le dimanche, ce qui attire une clientèle de toute la région : désormais, son offre n’est plus vendeuse sans passage routier. Il se dit écologiste mais pense que cette décision, tout comme la fermeture du pont de la République début 2022, est un non-sens. “On crée davantage de bouchons, des voitures qui crachent du Co2 à l'arrêt pendant de longues minutes”. En remontant dans l’angle de la rue Battant, le propriétaire de Backing Games est de loin le plus énervé. Il a d’ailleurs dit le fond de sa pensée à l’équipe municipale lors des concertations par des mots grossiers. “Ces concertations, c'était une manière de passer la pommade mais ça ne passe pas”. L'aîné des témoins de l’après midi est le père de la propriétaire de La boite à rire, rue de la Madeleine. Lui qui a tenu la boutique pendant 40 ans a "vu la ville mourir tout simplement”. “Avant, on avait des touristes, on vendait des objets de la région, maintenant tout le monde fuit Besançon, on a l’impression qu’on a envie de se retrouver seuls”. Le septuagénaire évoque également les “prix de parking exorbitants” qui éloignent tous les visiteurs. 

 

Ces bornes verront le jour en décembre et les conséquences, selon les commerçants, sont d’ores et déjà présentes. Philippe Bonnet, à 59 ans, n'embauche plus et prévoit de fermer à la retraite. “L’objectif c’est que tout le monde aille à Chateaufarine ? Eh bien soit, j'abandonne face aux grandes surfaces”. Le tabagiste, lui, compte vendre dès la fin de l’année. “Economiquement, le manque à gagner pour la ville va être énorme, ils l’auront cherché”. 

Dernière modification le mercredi, 19 juillet 2023 18:38