Le déploiement du drapeau palestinien sur l’esplanade des Droits de l’Homme, devant la mairie de Besançon, suscite depuis plusieurs jours de vives réactions sur les réseaux sociaux. Pour certains, il s'agit d'un acte de solidarité humanitaire ; pour d'autres, d'une prise de position politique jugée inappropriée dans l’espace public républicain. Face à la polémique, le préfet du Doubs a choisi d’engager une action en justice, provoquant de nouvelles interrogations sur l'équité du traitement accordé à différentes causes internationales.
Une démarche fondée sur la jurisprudence
Sollicitée par notre rédaction, la préfecture du Doubs rappelle que cette initiative judiciaire s’appuie sur des décisions de justice récentes : « Le Préfet s’en tient à l’avis des tribunaux qui ont beaucoup statué récemment sur cette question », explique-t-on. En substance, les juridictions administratives ont précisé que le pavoisement des bâtiments publics avec des drapeaux étrangers ne peut être toléré que dans des cas « largement consensuels » au sein de la société française. C’est cette interprétation qui a, par exemple, permis l’affichage du drapeau ukrainien dans de nombreuses collectivités, sans contestation majeure. Mais dans le cas du conflit israélo-palestinien, les autorités estiment que le sujet demeure hautement clivant : « Le sujet du conflit au Proche-Orient est un sujet de clivage chez les Français. »
Un conflit meurtrier aux bilans asymétriques
Derrière ces considérations juridiques et politiques se cache une réalité tragique : l’ampleur du conflit en cours à Gaza. Depuis l’offensive lancée par Israël en octobre 2023, plus de 56 000 Palestiniens ont été tués, selon les autorités sanitaires de Gaza. Certains experts indépendants, comme ceux cités dans une étude publiée dans The Lancet, estiment que ce chiffre pourrait être bien supérieur si l’on prend en compte les morts indirectes liées à la faim, aux maladies ou à l’effondrement des infrastructures. Côté israélien, le conflit a débuté par l’attaque sans précédent du 7 octobre 2023, au cours de laquelle environ 1 200 personnes ont été tuées, dont 816 civils israéliens et étrangers. Depuis, les combats à Gaza ont coûté la vie à plus de 300 soldats israéliens, selon les chiffres de l’armée israélienne (IDF).
Entre émotion, droit et symbole
La décision de la maire de Besançon d’arborer le drapeau palestinien, aussi symbolique soit-elle, entre en collision avec une lecture stricte du droit public et des règles de neutralité dans les espaces officiels. Pour les soutiens, ce geste est un cri d’alerte face à une catastrophe humanitaire ; pour ses détracteurs, il constitue une prise de position dans un conflit international qui divise profondément l’opinion française. La question qui se pose désormais est celle de l’égalité de traitement entre les causes humanitaires : pourquoi le soutien à l’Ukraine serait-il jugé « consensuel » et donc légitime, alors que celui exprimé envers la Palestine serait qualifié de « clivant » ?
Une jurisprudence à géométrie variable ?
Le débat ne fait que commencer. Si les tribunaux confirment la démarche préfectorale, cela pourrait créer un précédent concernant l’expression symbolique des collectivités sur des sujets internationaux. Il soulèverait aussi une interrogation plus large sur le rôle des institutions locales dans les grands enjeux du monde, entre solidarité et neutralité républicaine.