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Trois informations judiciaires ont été ouvertes lundi par Etienne Manteaux, le procureur de la République. Une pour homicide volontaire après le meurtre de Moussa Dieng, l’ambulancier de 50 ans, samedi 28 août à Besançon, et deux pour tentatives d'homicides, sur les voisins du mis en cause. L'auteur des coups de couteau, un homme de 40 ans atteint de troubles psychotiques graves, est actuellement pris en charge à l'hôpital psychiatrique de Novillars. Il devrait être mis en examen sous dix jours.

 

« Une fois sur deux, l’apparition des forces de l’ordre fait déraper l’intervention Â»

 

La question est sur toutes les lèvres. Pourquoi ces deux ambulanciers engagés sur cette intervention n’ont-ils pas attendu afin de bénéficier de l’aide de la police ? Une interrogation relayée légitimement depuis quelques jours, mais qui bénéficie d’une réponse claire : les deux secouristes n’ont pas été prévenus du renfort des forces de l’ordre. Se pose alors la question délicate de la coordination entre des deux services. Etienne Manteaux, le procureur de la République, maintient le fait qu’il ne peut y avoir une systémisation des interventions des forces de l’ordre aux côtés des secouristes. Il pointe du doigt « la menace Â» que peut représenter l’apparition de personnes en uniforme aux côtés des ambulanciers ou des pompiers, qui aurait tendance à aggraver la situation. « La conversation entre l’opérateur du Samu et l’opérateur de la police est très intéressant. Il y a cette remarque faite par l’opérateur police qui dit que lorsqu’ils interviennent à leurs côtés, souvent ça fait déraper les interventions. Parce que le fait de voir des personnes en uniformes pour des malades psychiatriques et le fait d’une sorte de judiciarisation de ce que relève du médical, la plupart du temps, ça fait déraper des opérations qui se passent plutôt bien. Une fois sur deux, ça vient plus souvent aggraver l’intervention des ambulanciers ou des pompiers Â» souligne le procureur.

« A ce stade je ne peux pas parler de dysfonctionnement, même si je mesure bien le drame absolu constaté dans ce dossier. Mais surtout pas de de conclusion hâtive. On va étudier ce qu’il s’est dit entre le Samu et l’ambulance Jussieu, analyser quels étaient les antécédents et les prises en charge de cet homme, et ensuite on pourra se diriger vers des conclusions […] L’usage n’est pas du tout de systématiser l’intervention de patrouilles de police aux côtés d’ambulanciers ou de pompiers. Il y a une demande forte des personnels de santé, et j’imagine que ce type de drame va encore renforcer cette demande d’être systématiquement accompagné. Mais il n’y a pas tout le temps une patrouille de police qui est disponible pour intervenir. Là il s’est trouvé qu’elle était disponible, et c’est d’autant plus dramatique qu’il s’écoule 5 minutes, et très probablement que si les policiers avaient été présents aux côtés des ambulanciers, il n’y aurait pas eu cet homicide. Pourtant ce n’est absolument pas le principe d’une intervention systématique des policiers aux côtés des ambulanciers. Ou alors c’est une question qu’il faut poser aux pouvoirs publics et à l’exécutif, mais ce sont aussi des moyens.  L’instruction va se poursuivre, et on tirera toutes les conclusions utiles à la fin. Actuellement, la police ou la gendarmerie n’est absolument pas en capacité de systématiser une escorte en temps réel de toutes les prises en charge au Samu Â» précise Etienne Manteaux.

Etienne Manteaux, le procureur de la République, a précisé les premiers éléments de l’enquête qui doit faire la lumière sur le drame survenu au matin du 28 août rue de Bourgogne, ayant coûté la vie de Moussa Dieng, un ambulancier de l’entreprise Jussieu, lors d’une intervention.

 

Un homme souffrant de psychose grave

 

C’est dans la matinée de samedi 28 août, une première fois à 4h du matin, puis à nouveau à 6h, qu’un homme de 40 ans, relevant d’une « grave psychose Â» se rend chez sa mère, afin d’obtenir des cigarettes. Son comportement est agressif, inquiétant, mais connaissant les troubles de son fils dont il souffre depuis 20 ans, celle-ci lui donne ce qu’il réclame, en lui sommant ensuite de repartir. Dans un premier temps l’homme refuse, et insiste pour monter dans l’appartement, mais sa mère réussi à lui en défendre l’accès, et le fait repartir chez lui. Seulement, celui qu’elle décrit comme « quelqu’un de gentil, mais qui présente des signes d’agressivité dès lors qu’il décompense au niveau psy Â» est inquiétant, et elle décide d’appeler le Samu un peu plus tard dans la matinée, afin qu’il soit hospitalisé. Il est 9h15 lorsque l’opérateur du Samu est contacté. Après avoir envoyé une ambulance, l’opérateur appelle le CIC, le Centre d’Information et de Commandement du commissariat de police de Besançon.

 

« Selon la retranscription entre l’opérateur du Samu et celui du commissariat, ce dernier fait observer que les usages sont d’abord qu’il y ait une ambulance ou les pompiers qui aillent au contact de la personne qui doit être hospitalisée. Et que ce n’est qu’une fois ce premier contact opéré, s’ils constatent une agressivité ou une impossibilité d’exécuter leur mission, qu’il y a à ce moment-là l’envoie d’une patrouille Â» Etienne Manteaux, procureur de la République

 

Le déroulement des faits

 

L’opérateur CIC indique alors qu’un équipage est disponible, et l’envoie à l’adresse indiquée. Il est 9h18 lorsque la communication se termine. L’ambulance arrive à 9h23 sur le site. A ce stade, il ne semble pas que l’opérateur du Samu ait rappelé l’entreprise Jussieu pour indiquer qu’il venait de raccrocher avec les policiers, et qu’une patrouille était finalement réquisitionnée. Des propos confirmés par l’ambulancier survivant, qui révèle ne pas avoir été informé qu’une patrouille arrivait. Il raconte ensuite que lorsqu’ils arrivent sur place, au rez-de-chaussée du 11 rue de Bourgogne, l’individu est très agressif, et semble évoquer des gens qui veulent intenter à sa vie. Il refuse catégoriquement de les suivre, et ferme sa porte. L’ambulancier explique que dans ce contexte, la mission ne pouvant être exécutée, il repart, et indique à son collègue de faire de même. Et alors qu’il est quasiment au niveau de la sortie, il constate que son confrère est encore devant la porte, pour contacter le Samu, afin de faire un bilan de ce qu’il s’est passé, et obtenir des consignes supplémentaires. Au moment où il est en train de composer ce numéro, la porte s’ouvre à nouveau, et cette fois, l’individu est armé d’un couteau de cuisine. Il assène directement deux coups au niveau du thorax de Moussa Dieng. L’ambulancier recule, il est pris en charge par son collègue, qui l’amène très rapidement dans l’ambulance. L’individu constate ensuite qu’il y a un voisin de palier, présent à quelques mètres. Il s’agit effectivement de celui qui a indiqué aux secouristes où il habitait. Aussitôt, il se tourne vers lui, et lui assène 4 coups de de couteau, au niveau du pectoral droit. Aucun point vital ne sera touché, sa vie ne sera pas en danger. Quelques secondes plus tard, l’ascenseur du bâtiment s’ouvre, et un père de famille accompagné de son enfant de 7 ans sont confrontés à cette scène effroyable. L’individu se retourne, et se précipite sur le père de famille. S’ensuit alors une lutte entre les deux hommes, dans laquelle l’assaillant est désarmé, mais blesse tout de même sa victime au niveau de l’oreille. Le père, âgé de 38 ans, décrira « un homme qui était déterminé à le tuer, compte tenu de son agressivité, de son regard, et de la façon dont il s’est précipité poing en l’air avec son couteau en sa direction Â». C’est au moment où les deux hommes sont engagés dans une lutte au sol que les policiers arrivent, et n’ont d’autre choix que d’user du pistolet à impulsion électrique pour maîtriser l’individu, extrêmement véhément. Moussa Dieng est pris en charge immédiatement par son collègue qui le transporte à l’hôpital. Cependant, le couteau a touché des organes vitaux, et il décède très rapidement après son arrivée. Son autopsie a été réalisée hier, afin de mieux déterminer les circonstances du décès.  

 

Une information judiciaire ouverte

 

La garde à vue n’a pas permis d’entendre l’individu, compte tenu de son état psychique. Il a été rapidement transporté dans la chambre carcérale du centre hospitalier Jean Minjoz. Examiné par un médecin psychiatre, ce dernier a considère que son état n’est pas compatible avec son maintien en garde à vue. L’individu est lourdement sédaté, et le préfet prend la décision de l’hospitalisation sans consentement. Il est depuis samedi soir au centre hospitalier spécialisé de Novillars. « J’ai ouvert une information judiciaire, pour homicide volontaire sur cet ambulancier de 50 ans d’origine sénégalaise, et pour les deux tentatives d’homicide, sur son voisin de palier, et sur le père de famille 38 ans Â» indique Etienne Manteaux. N’ayant pas encore été déféré au parquet de Besançon, l’homme de 40 ans devrait être mis en examen dans les 10 jours. « Ce délai est favorable car il est dans un état tel aujourd’hui qu’il n’est pas additionnable. La priorité sont les soins pour qu’il recouvre un peu de lucidité, afin qu’il puisse être utilement entendu, s’il souhaite répondre aux questions du magistrat instructeur. Ensuite il sera statué sur son placement en détention provisoire, ou pas Â» précise le procureur de la République. En cas de placement en détention provisoire, l’homme de 40 ans pourrait alors être sous un double statut : celui d’incarcération et d’hospitalisation sans consentement. Cela pourrait l’amener à être transféré dans une unité hospitalière spécialement aménagée, ce qu’on appelle UHSA. « Beaucoup de chose restent encore à déterminer. Le point central de ce dossier sera de déterminer quel était l’état psychiatrique, psychique, dans lequel se trouvait l’individu au moment des faits, pour déterminer s’il y avait une altération ou une abolition de son discernement à ce moment-là Â» souligne Etienne Manteaux.