Mercredi 19 janvier est sorti en salle votre film « Lynx ». Comment vous est venue cette idée de long métrage ?
J’ai d’abord commencé par prendre des photos, ce qui m’a permis d’obtenir pas mal d’informations sur l’animal en tant que tel, que je ne connaissais pas forcément au début. Et puis une fois ce premier livre réalisé, je me suis lancé dans l’aventure de filmer l’animal, c’est la première fois que ça se faisait. En règle générale, les films utilisent des animaux captifs ou dressés. Là c’était vraiment l’aventure, puisque ce n’était que des animaux filmés dans ma région.
C’est pour cette raison que vous le spécifiez à la fin du film ?
Oui, je crois que le grand public ne réalise pas vraiment, à juste titre, parce que ce n’est pas forcément bien explicité dans les documentaires ou dans les films. Mais des espèces sont extrêmement difficiles à filmer ou photographier, et par conséquent certains réalisateurs ou certaines productions préfèrent utiliser des animaux captifs de façon à économiser de l’argent et du temps. Et à la fin on a dans le générique, très rapidement, une mention qui stipule et remercie les dresseurs, mais en aucun cas ce n’est très clair pour le spectateur, seul les naturalistes ou les gens qui ont un peu l’habitude savent que ce sont des animaux qui ont été dressés et déplacés devant la caméra.
D’où vous vient cet amour pour ce félin ?
Je pense que d’abord, j’ai un amour pour la nature d’une façon générale depuis tout gamin. J’étais absolument passionné et fasciné par les forêts depuis tout petit. Je viens de Bretagne, et j’ai vraiment passé énormément de temps à écouter le brame du cerf, les engoulevents, notamment chez ma grand-mère, dans la forêt de Brocéliande. J’ai aussi eu la chance de travailler en tant que photographe animalier dans différents pays. J’ai eu la chance de photographier des grands félins en Amérique du Sud, en Afrique, ou encore en Asie. Et quand je suis arrivé dans le Jura, je souhaitais au moins un jour pouvoir observer le lynx boréal, que je savais très dur à observer. Et au fil des années, mon intérêt pour cet animal est devenu une véritable passion, parce que j’ai commencé à connaître certains individus. J’ai commencé à pouvoir les suivre, et j’ai même raconté une histoire dans le film.
« La forêt est son royaume », c’est un peu devenu le vôtre aussi, après toutes ces années passées à le pister, à l’observer, vous avez appris à le connaître, à déchiffrer son mode de vie, à analyser son environnement. Pour avoir la chance de le rencontrer davantage que la plupart des autres gens, c’est un travail de longue haleine que vous avez dû mener, avec une persévérance et une détermination assez remarquable.
Oui c’est un projet très long. J’ai commencé il y a douze ans, c’est presque un quart de ma vie en quelque sorte ! Mon fils a 12 ans d’ailleurs, j’ai commencé quand mon fils est né. Je dis souvent qu’on ne connaît pas « les lynx », mais on connaît « des lynx ». C’est-à-dire qu’on a une connaissance assez approximative de l’espèce, et ensuite on commence à connaître les habitudes de certains individus. Et quand on les reconnaît, on sait s’il va plutôt aller vers la falaise où il y a des chamois, ou s’il va plutôt descendre selon les saisons, selon les périodes qui sont importantes pour lui. Comme la période de reproduction dans laquelle nous sommes en train de rentrer, parce que c’est entre février et mars. En ce moment, c’est une période cruciale pour l’animal. Et bien connaître certains individus me permet de bien me positionner dans la forêt pour soit l’écouter, soit l’observer.
Ce film, c’est 1h24 d’immersion en pleine forêt, que ce soit par les bruitages, le silence parfois aussi, les paysages splendides, et ces successions de plans qui s’enchaînent superbement bien, créant une histoire entre différentes espèces animales. Lors de toutes ces années que vous avez passées en forêt, vous avez aussi côtoyé de nombreux autres animaux que l’on voit apparaître dans ce film.
Effectivement, le son a été fait par Boris Jolivet, un audio-naturaliste, avec qui j’ai travaillé main dans la main pour habiller mes images. Avant j’avais enregistré pas mal de son déjà, mais je n’avais pas les bons micros de Boris à disposition. Par conséquent, cette immersion, c’est vraiment la volonté qu’on avait. On voulait que les gens s’assoient, et rentrent avec moi dans cet univers pour écouter la mésange noire, le cri du lynx, et plein d’autres espèces, et c’est vraiment notre première volonté, qui est de partager cette ambiance assez incroyable qu’est la forêt du Jura. Et puis au fil de l’histoire, on se rend compte qu’il n’y a pas que le lynx dans la forêt du Jura. Il y a des espèces emblématiques qui sont malheureusement des espèces très fragiles. On parle du grand tétra, ou de la gélinotte des bois, qui sont des oiseaux très discrets, très difficiles à observer, et qui sont de très bons indicateurs pour savoir si la forêt est en bonne santé par exemple.
On a aussi des plans sublimes dans ce film, des scènes incroyables. Cette rencontre entre un chat sauvage et un renard, le moment où vous observez enfin le père et la mère lynx ensemble après de longs mois, cette dépouille de chamois traînée difficilement dans la neige par un lynx, ces petites gélinottes qui viennent à peine d’éclore dont l’une a encore la coquille sur la tête, ou encore ces jeunes chamois qui sautillent sans cesse, et les adultes qui ont toujours quelque chose de coincé dans leurs cornes. Vous avez dû vivre des moments très forts, c’est un privilège d’assister à tout ça ?
Je suis ultra privilégié. Si je vois le lynx 8 à 10 fois par an, c’est déjà une très belle année. Et il y a aussi des moments où je ne le vois qu’une fois tous les 6, voire 8 mois. C’est très long. En revanche, pendant ce temps-là, je suis témoin de scènes sauvages extrêmement rares. La gélinotte, un oiseau nidifuge, c’est-à-dire que dès l’éclosion des poussins, ils quittent le nid rapidement, donc c’est un moment très furtif dans l’année. Trouver le nid déjà, c’est une belle prouesse, et réussir à assister à la naissance des poussins fraîchement éclos, ce sont des moments tout à fait privilégiés.
Cette scène où une dame se promène avec son enfant, et tombe nez-à-nez avec un lynx en train de dévorer une carcasse, c’est assez irréel comme scène !
C’est complètement irréel, et cette scène a deux histoires ! Parce qu’il y a d’abord un monsieur qui est passé. Et ce monsieur, lorsque j’étais en train de filmer, ne regardait pas du tout le lynx, et il s’en est approché, d’un pas assez déterminé. Lorsqu’il est arrivé à 5 ou 6 mètres du lynx, j’ai eu peur que l’animal se sauve, mais en réalité le lynx est resté sur sa proie, et ce monsieur, le voyant au dernier moment, a fait un bond extraordinaire ! On aurait dit une bande dessinée. Évidemment je voulais mettre cette scène dans le film car elle est exceptionnelle, mais malheureusement le monsieur est très vite parti, et par conséquent je n’avais pas le droit à l’image, et je ne l’ai jamais retrouvé. J’ai ensuite attendu un peu plus longtemps, et j’ai prévenu ma femme et mon fils. Mon fils n’était pas prévenu, mais ma femme savait qu’il y avait un lynx sur le chemin. Ils se sont rendus sur place pour recréer cette scène qui était vraiment importante pour moi, parce qu’on voit très clairement que l’animal n’est absolument pas dangereux pour la population.
Dans ce film, un focus est fait sur les accidents de la route, qui est la première cause de mortalité des lynx en France. On en a beaucoup entendu parler l’année dernière en Franche-Comté, car ces jeunes félins doivent partir à la conquête de leur propre territoire en traversant des zones à risque. Vous posez d’ailleurs la question « est-ce que le territoire des lynx est traversé par des routes, ou est-ce les routes qui sont traversées par le territoire du lynx ». Aujourd’hui, qu’en pensez-vous ?
La population de lynx dans le Jura est d’environ 150 individus adultes. On sait très bien, et par définition il n’y aura jamais trop de prédateurs, puisqu’il y a une superficie donnée avec un nombre de proies qui est disponible ou pas. Actuellement, nous sommes dans une situation où la population, sur le plan numérique, se porte correctement. Cependant les territoires sont presque tous déjà occupés. Ce qui veut dire que les jeunes qui vont quitter leur mère vont devoir trouver des nouveaux territoires, qui peuvent être à plusieurs centaines de kilomètres. On a les Vosges, la Forêt Noire, éventuellement le nord des Alpes. Mais on a des zones industrielles, des zones agricoles, des routes, qui vont empêcher la dispersion de ces jeunes. Ce qui veut dire qu'on va très probablement, ces prochaines années, et c’est même déjà le cas, se retrouver avec des jeunes qui vont se faire écraser puisqu’ils traversent des zones dangereuses afin de trouver de nouveaux territoires.
Le lynx avait disparu d’Europe occidentale à la fin du 19ème siècle. Aujourd’hui il a été réintroduit, permettant aux forêts de ressusciter et de retrouver un équilibre. Vous tenez dans votre film à remercier les acteurs du passé, sans qui cette histoire n’aurait pas eu lieu. Vous faites référence entre autres à Archibald Quartier. Maintenant c’est à votre tour, par le biais de votre travail, d’agir et de sensibiliser, de prouver au grand public le rôle fondamental des prédateurs, et du retour du lynx dans les forêts du Jura ?
Je me suis intéressé à cet animal il y a douze ans. Et je sais que malheureusement au début des années 2000, dans les Vosges, le grand public ne savait pas que le lynx existait. Il y avait eu une campagne de réintroduction au début des années 1980, mais malheureusement il y a eu du braconnage systématique. Par conséquent les lynx ont disparu des Vosges, mais comme le grand public ne savait pas que le lynx habitait cette région-là, il n’y a pas eu de réaction, et sa disparition est survenue dans l’anonymat le plus total. Mon but à moi, c’est de montrer au très grand public que cet animal existe dans le Jura, qu’il joue un rôle primordial, et que si un jour il venait à disparaître à nouveau, ce serait une véritable catastrophe écologique et patrimoniale sur le plan naturel.
La quête du lynx vous a-t-elle amené au-delà de votre rêve d’enfant ?
Le lynx, je vais continuer à le suivre, parce qu’il y a des individus que je connais, et que j’ai envie d’observer. Je mets des pièges photos pour savoir pas où ils passent, pour savoir dans quel secteur ils sont, et à quelle période. Et puis, c’est une très belle histoire. J’ai commencé à faire de la photo, puis j’ai filmé pour des documentaires. Ensuite on m’a proposé de réaliser un film cinéma, et visiblement le public était présent puisqu’on a fait des avant-premières où l’on a dû refuser du monde, et je m' excuse. On a eu un très bel écho, je suis très content du résultat, et si ça peut servir à la conservation de l’animal je n’en serai que plus heureux.
Synopsis du film :
"Au cœur des montagnes jurassiennes, alors que les brumes hivernales se dissipent, un appel étrange résonne à travers la forêt. La superbe silhouette d'un lynx boréal se faufile parmi les hêtres et les sapins. Il appelle sa femelle. Un couple éphémère se forme. C’est le début de l’histoire d’une famille de lynx. Leur vie s’écoule au rythme des saisons avec la naissance des petits, l’apprentissage des techniques de chasse, la conquête d’un territoire, mais aussi les dangers qui les guettent. En suivant le mâle, la femelle et ses chatons, nous découvrons un univers qui nous est proche et pourtant méconnu... Une histoire authentique où chamois, faucons pélerins, renards et hermines sont les témoins de la vie secrète du plus grand félin d'Europe. Prédateur indispensable à l’équilibre de la forêt, sa présence demeure néanmoins fragile dans un milieu largement accaparé par les humains. S’il est rarissime de croiser ce discret félin il est exceptionnel de découvrir son quotidien en milieu naturel."
A l’occasion de la disparition de l’acteur Gaspard Ulliel, le Centre de Ressources Iconographiques pour le Cinéma a souhaité lui rendre hommage à travers une exposition d’affiches de ses films. Celle-ci se déroule dans le Hall de l’Hôtel de Ville de Pontarlier du 2 au 26 février. Plus d’une vingtaine d’affiches de 120/160cm seront exposées, retraçant son parcours cinématographique.
Claude Bertin-Denis, le président du Centre de Ressources Iconographiques pour le Cinéma :
Suite à la disparition de l’actrice française Françoise Arnoul (le 20 juillet 2021), le Centre de Ressources Iconographiques pour le Cinéma a souhaité lui rendre hommage à travers une exposition d’affiches de ses films. Celle-ci se déroule dans le Hall de l’Hôtel de Ville de Pontarlier du 4 au 29 janvier.
Elle décroche son premier rôle dans L’épave de Willy Rozier, un drame réaliste où elle incarne une danseuse. Comme elle est mineure, elle est doublée pour une scène très déshabillée. On notera également « La bouche gourmande », « L’œil rieur » et « La silhouette fine ». Elle a aussi joué la femme enfant vénéneuse dans « Le fruit défendu » d’Henri Verneuil (1952) ou l’espionne, sanglée d’un ciré noir, dans « La chatte » d’Henri Decoin (1958).
Après BFMTV il y a un an, c'est au tour de TF1 de consacrer une soirée à l'affaire Daval. La Une a annoncé dans un communiqué qu'elle débutait ce lundi dans la région lyonnaise le tournage du "Mystère Daval", un téléfilm librement inspiré de ces faits, et écrit d’après le livre « L’affaire Alexia Daval, la vraie histoire » de Laurent Briot et Christophe Dubois. Il faudra compter environ un mois pour mettre le scénario en images, avec cependant une coupure à Noël. Au casting, deux visages de « Demain nous appartient », le feuilleton quotidien de la TF1 : Liam Baty qui jouera Jonathann Daval et Maud Baecker qui incarnera son épouse Alexia Fouillot. A leurs côtés, Michèle Bernier, la comédienne de 65 ans, se glissera dans la peau de la mère, Isabelle Fouillot.
A l’occasion du 70ème anniversaire de l’acteur français Jacques Villeret disparu en 2005, le Centre de Ressources Iconographiques pour le Cinéma a souhaité lui rendre hommage à travers une exposition d’affiches de ses films. Celle-ci se déroule dans le Hall de l’Hôtel de Ville de Pontarlier du 3 au 27 novembre prochain.
Depuis le 18 octobre dernier, et jusqu’au 1er novembre, le cinéma Club Jacques Becker organise la 1ère édition de son « Ciné Open Festival » à Pontarlier. Cet évènement s’articule autour de trois évènements : la 82è édition du festival d’animation de Pontarlier et les rendez-vous cinéma au féminin et la thématique consacrée au nouveau cinéma suisse. La programmation se décline en une soixantaine de films et des temps d’échange et de rencontres.
Patrick Colle, le président du cinéma club Jacques Becker se réjouit de pouvoir de nouveau assurer des séances au sein de la salle Jean Renoir, en plein cœur du centre-ville de la capitale du Haut-Doubs. Le bénévole est très attaché aux valeurs que diffusent les projets et projections de son association. Il définit un cinéma engagé, éducatif et en adéquation avec les valeurs de l’éducation populaire.
A travers ce festival de cinéma d’animation, l’organisateur veut proposer des courts et longs métrages éloignés de certains standards plus commerciaux, mais tout aussi sensibles, de qualité et intelligents. Patrick Colle prône également une véritable approche éducative, qui permet de sensibiliser les plus jeunes au plaisir des projections dans les salles obscures. Cette génération qui pourrait être davantage tentée par les séances sur les plateformes et tous les supports de diffusion qui en découlent. C’est en tout cas tout le travail qui est mené avec les écoles et les établissements scolaires de Pontarlier et des alentours.
Pour tout savoir sur cet évènement culturel : www.ccjb.fr
L'interview de la rédaction
Après avoir réalisé « Demain » ayant compté plus d'un million d'entrées au cinéma, et reçu le César du meilleur documentaire en 2016, Cyril Dion a présenté au Festival de Cannes 2021 son film « Animal » dans la sélection "le cinéma pour le climat". Le réalisateur engagé était au Mégarama Beaux-Arts mercredi dernier, afin de présenter son long-métrage en avant-première au public bisontin. La projection a été suivie, comme à l’accoutumée, d’un temps d’échange avec les spectateurs. Dans une salle quasiment pleine, avec des places qui se sont vendues à une allure folle dans la journée, les questions et les félicitations pleuvaient au micro de Cédric Louvet, le directeur du complexe cinématographique, cavalant d’une allée à l’autre afin de donner la parole à un public avide de réponses. Les jeunes générations étaient majoritairement représentées dans la salle, et comme l’indique Cyril Dion, Besançon ne déroge pas à la règle. « Dans toutes les salles où on va, au moins un tiers de la salle, ce sont des moins de 25 ans. C’est vraiment génial, parce que ça n’arrivait pas très souvent pour ce genre de documentaire auparavant », précise-t-il.
C’est entre désespoir, colère, consternation, mais aussi épris d’un certain optimisme et d’une volonté grandissante que ces jeunes, épaulés par leurs aînés, s’adressent à Cyril Dion. Pour le féliciter, dans un premier temps, puis pour l’interroger, le consulter, et échanger à propos de tous les sujets évoqués dans son film. « Êtes-vous optimiste ? » est-il lancé au réalisateur. « Il faudrait être un peu crétin pour l’être, vu l’état des choses, et comment la situation évolue » déplore Cyril Dion. « En revanche, ce qui me fait tenir et ce qui me réjouit, c’est qu’on est capable du pire, mais aussi capable du meilleur, nous les humains. Toutes les personnes rencontrées dans "Animal", lors des projections, ça nous montre le meilleur visage de l’humain. Notre but est de le réveiller, et de faire en sorte qu’il s’exprime le plus possible » poursuit le réalisateur. Pour se plonger au cœur de ce documentaire de 1h45, se confronter aux problématiques décisives de notre époque, et voyager aux quatre coins du monde à la recherche des plus éminents chercheurs et scientifiques, aux côtés de Bella et Vipulan, rendez-vous dès le 1er décembre au Mégarama Beaux-Arts.
Un avenir prometteur se dessine. Si vous avez envie de découvrir le fruit de leur travail, n’hésitez pas à vous inscrire pour la séance du 17 octobre prochain. Le nombre de place est limité. Cliquez sur : https://www.eventbrite.com/e/billets-generation-z-avant-premiere-167882207201
A l’occasion de la disparition du comédien français Jean-Paul Belmondo, le Centre de Ressources Iconographiques pour le Cinéma va lui rendre hommage à travers une exposition d’affiches de ses films. Celle-ci se déroulera dans le Hall de l’Hôtel de Ville de Pontarlier du 5 au 31 octobre.
Jean-Paul Belmondo a attiré dans les salles, en cinquante ans de carrière, près de 160 millions de spectateurs ; entre 1969 et 1982, il a joué à quatre reprises dans les films les plus vus de l’année en France : Le Cerveau en 1969, Peur sur la ville en 1975, L’Animal en 1977 et L’As des as en 1982.
Le film a fait salle comble jeudi dernier, au plus grand bonheur du directeur, Cédric Louvet. Les 385 sièges de la grande salle du Mégarama étaient occupés. Une première depuis des mois. L’un des instigateurs de ce succès ? François Ruffin, fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir, figure de proue du mouvement Nuit debout, et député dans la première circonscription de la Somme, sous la bannière de La France Insoumise. Après avoir passé la journée dans la cité comtoise, à 20H sonnait l’avant-première de son troisième film : « Debout les femmes ». Après « Merci Patron ! », comédie documentaire, puis « J’Veux du soleil » road movie retraçant le voyage des deux réalisateurs à la rencontre des Gilets jaunes mobilisés au bord des routes du pays en 2018, « Debout les femmes » se présente comme un « road-movie parlementaire » à la rencontre des femmes qui s’occupent de nos enfants, de nos malades, et de nos personnes âgées.
C’est parce que François Ruffin suit ces métiers depuis plus de 20 ans, d’abord en tant que journaliste, et depuis 2017 en tant que député, qu’une envie sociale l’a poussé à réaliser ce film, aux côtés de Gilles Perret. Mais aussi une envie cinématographique, instiguée par le Palais Bourbon. « L’Assemblée c’est un très beau lieu de cinéma. Il y a un décorum, des lustres, des rituels, des tambours qui sont battus. Il y aurait eu un meurtre à l’Assemblée nationale, ça m’aurait davantage arrangé, parce que j’aurais pu construire un polar autour de tout ça ! Il n’y en a pas eu et je n’en ai pas provoqué » rigole le député. « Donc quand j’ai eu la mission des métiers du lien, je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui pouvait faire cinéma. Parce qu’on pourrait faire de l’intérieur-extérieur. On n’allait pas être enfermé dans l’Assemblée nationale où il y a du lustre mais où il ne se passe pas grand-chose. On pourrait avoir la parole des femmes dehors, regarder comment elles vivent, comment elles travaillent, puis ramener ça à l’Assemblée nationale, et voir ce qu’il se passera à l’intérieur si on remporte des victoires. Je pensais que dans ce mouvement intérieur-extérieur, il y avait une dynamique narrative », poursuit-il.
On essaye de se bagarrer à l’Assemblée pour leur construire un statut et un revenu. En étant basé sur la phrase d’Emmanuel Macron qui disait : « Il faudra se rappeler que notre pays repose tout entier sur ces femmes et ces hommes, que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Un an après, rien n’a changé. On va encore se bagarrer, avec un film, avec des amendements, et une société qui, je l’espère, va se soulever » indique François Ruffin
Dans une salle au complet, où chaque siège carmin s’est trouvé un occupant, c’est Gérard Marion, le directeur du Festival Lumières d'Afrique de Besançon, qui joue le maître de cérémonie. Après avoir retracé brièvement la vie du natif de Calais, jonglant avec de subtils syntagmes, et au terme d’un discours fignolé, c’est sous les applaudissements que François Ruffin apparaît sur le devant de la scène. Cependant, ne souhaitant pas flâner avant la projection, et préférant échanger avec les spectateurs à la fin du film, le député se retire après quelques mots d’introduction. Les lumières s’éteignent, les premières scènes apparaissent sur le grand écran, plongeant directement les spectateurs dans le vif du sujet. A l’Assemblée nationale le 8 mars 2018, journée internationale des droits des femmes, François Ruffin fait face à l’hémicycle. « Ce matin, on a tapoté à la porte de ma chambre-bureau, au 101 rue de l'Université. J'étais encore au lit, je n’ai pas réagi […] Comme j'étais réveillé, je suis descendu au petit déjeuner. Quand je suis remonté, les tapis de douche ne trainaient plus dans la salle de bain, la cuvette des toilettes était récurée, les serviettes changées, les poubelles vidées. Le même miracle se produit tous les jours. Ce n'est pas l'œuvre d'une fée, non, mais de femmes ».
Cela faisait quelques mois que le Mégarama des Beaux-Arts n’avait plus vu une salle entière vibrant autant au rythme d’une projection. Un public retrouvé, un auditoire captivé, des rires qui s’échappent encore et encore. Puis des railleries, du dégoût, de la colère, de la douleur, de l’émotion. Les spectateurs passent par tous les états d’âme, vivent au gré de la projection, et laissent transparaître chacune de leur réaction. Cette communion entre le public et le grand écran provoque l’euphorie générale. Les spectateurs se lâchent, ne masquent aucune émotion. La grande salle rouge renaît enfin, après plusieurs mois de désolation. Le générique de fin s’achève, et c’est sous une standing-ovation que réapparaît François Ruffin sur le devant de la scène. Après de longues minutes sous les applaudissements, le député prendra la parole, puis échangera avec une salle souhaitant lui poser une pléthore de questions. Une soirée qui battait son plein, aussi bien pour l’homme politique encensé, que pour le cinéma qui a retrouvé de belles couleurs.
Interview de François Ruffin :