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Le 11 mars prochain, le Pôle Grand Prédateurs et le collectif Loup massif du Jura organisent une manifestation pour le loup et la biodiversité, avec pour objectif d’éveiller les consciences des citoyens, des pouvoirs publics et des éleveurs. Cette marche citoyenne et pacifique débutera à 14h30 sur le parking Battant. Elle se terminera par une entrevue menée par une délégation auprès du préfet du Doubs à qui les collectifs exposeront leurs revendications. Ils déplorent notamment les décisions préfectorales, qui, sous la pression des lobbys agricoles, autorisent des tirs létaux à l'encontre du canidé. Les associations indiquent que retour du loup est révélateur de plusieurs problématiques ancrées sur notre territoire, notamment au sujet des méthodes d'élevage, de la filière comté ou encore de la construction d’une image néfaste autour du loup.

 

Sur notre territoire, les meutes de loups doivent désormais partager leur territoire avec un espace où les bovins sont omniprésents. Le loup se nourrit à 90% de proies qu’il chasse en forêt, particulièrement des ongulés, et participe au maintien de la biodiversité en prédatant en priorité les animaux faibles ou malades. Si ses proies de prédilection sont les cerfs et les sangliers, le loup se tourne parfois sur les bovins. A la fin de l’été 2022, de nombreuses prédations ont été constatées sur le massif jurassien, conduisant le préfet à mettre en place des arrêtés autorisant les tirs sur le loup. « Avant même d’essayer de protéger les troupeaux. Avant même de réfléchir à d’autre actions. Avant même de tenter des tirs d’effarouchement Â» déplorent les associations. « La femelle qui a été abattue l'année dernière était mère de trois louveteaux. Ça ne sert strictement à rien, sauf à déstabiliser les meutes et les éclater. Le résultat ? Les loups se dispersent, se retrouvent seuls. Et un loup seul ne va pas se comporter de la même manière qu’une meute. Les dégâts se feront là. Un loup seul, sans la force de sa meute, va se rabattre sur des proies plus faciles, comme le bétail Â» indique Alain Prêtre, de l’association Defend the Wolf.

 

Le loup, révélateur d’une problématique bien plus large

En premier lieu, les associations pointent du doigt la responsabilité et l’incompétence de l’Etat. Notamment à travers sa campagne de recrutement de lieutenants de louveterie pour le département du Jura. « Cela prouve une fois de plus que la cohabitation n’intéresse ni les éleveurs, ni le préfet. La seule solution proposée est simplement l’éradication du loup Â» explique Alain Prêtre. Selon les associations, le loup est révélateur de ce qu’il se passe plus globalement dans la région, plus particulièrement concernant la filière comté, celle-ci générant une importante manne financière. Avec un problème majeur mis en lumière récemment : la pollution et l’effondrement des écosystèmes. « On détruit le paysage pour augmenter les surfaces de pâture, avec des troupeaux qui s’agrandissent d’années en années. Seulement, les nappes phréatiques sont polluées et les rivières aussi. On en a l’exemple flagrant avec la Loue. Notre région devient un endroit de plus en plus pollué, et le loup arrive au milieu. Forcément, il est révélateur de ce qui dérange. Je me suis retrouvé face à des éleveurs qui m’ont dit que le loup gênait il y a 200 ans, qu'on l’a donc exterminé et qu’on recommencera s’il le faut Â» indique Michèle Budna, présidente du Pôle Grands Prédateurs. « Je suis né au bord du Dessoubre. Il y a 40 ans c’était un aquarium. C’est devenu un désert piscicole. C’est la même chose pour le Doubs, la Loue, et toutes les rivières de Franche-Comté et de Suisse Â» ajoute Alain Prêtre.

« Il faut arrêter de créer ce fossé entre pro et anti-loup. On a l’impression que deux groupuscules s’opposent et que la population n’est pas concernée. Alors que tout le monde l’est. Nous défendons l’intérêt général, alors que ceux qui s’opposent au loup défendent un intérêt particulier. Les pollutions concernent l’eau potable. Comme c’était l’omerta depuis des décennies avec la puissance de la filière comté, personne n’en parlait. Le loup est révélateur de ce dysfonctionnement. Nous ne sommes pas un groupe de fanatiques défenseurs du loup. On a conscience de ce qu’il se passe, et nous voulons préserver l’intérêt général. Le loup en fait partie. Le loup permet d’en parler. Le gros problème qui arrive, loup ou pas loup, c’est l’eau. Comment fera-t-on dans quelques années ? L’eau se fait de plus en plus rare, et de plus en plus polluée Â» Patrice Raydelet, du Pôle Grands Prédateurs.

 

Entretenir la peur du loup

En France, la peur du loup est ancrée depuis des millénaires dans l’esprit des populations rurales. Contes, légendes, mythes, le loup a toujours été présenté comme un redoutable prédateur qui pouvait attaquer l’homme. Cet hiver, du côté de Mouthe dans le Haut-Doubs, des sorties touristiques nocturnes ont même été annulées par précaution. La préfecture a aussi publié un fascicule détaillant le comportement à adopter en cas de rencontre inopinée avec le canidé. Pour rappel, en France, la dernière situation d'attaque d'un loup sur l'homme date de 1918 et il s'agissait d'un loup enragé. Pourquoi cet animal suscite-t-il tant de peur, alors même que les scientifiques s'accordent à dire que le loup est un animal discret et qu'il ne s'en prend pas à l'humain ? « C’est scandaleux d'avoir entendu des choses pareilles. Le préfet jette de l’huile sur le feu et maintient cette peur. Les éleveurs ne cessaient de répéter que les skieurs allaient se faire croquer sur les pistes de ski de fond cet hiver. On attend toujours le décompte final Â» souligne Alain Prêtre.

« Des pays européens vivent avec trois fois plus de loups que nous pour un territoire égal. La France et la Suisse sont l’exemple des pays fondamentalement anti-loup. J’ai passé du temps en Bosnie, dans un pays avec des ours et des loups. J’ai rencontré des éleveurs en montagne, avec des chiens de protection, mais qui se faisaient quand même parfois prédater quelques bêtes. Je leur avais demandé s’ils souhaitaient l’éradication de ces prédateurs. Ça m’a marqué, ils m’ont répondu : Non, ce sont les âmes de nos forêts Â» Alain Prêtre.

 

De fortes pressions exercées par les syndicats agricoles

 

Témoignage de Patrice Raydelet, du Pôle Grands Prédateurs :

« On avait proposé une démarche il y a plus de 10 ans. Quand il n'y avait encore pas d'attaque, en souhaitant accompagner cinq éleveurs avec des chiens de protection, et en leur apprenant à travailler avec. Petit à petit, les gens auraient pu avoir des retours d'expérience. Et puis, le jour où les prédateurs sont arrivés, ils auraient été prêts. Mais rien n'a été fait. Quand on a mis en place tous les chiens pour le lynx, ça a très bien marché.

Mais un loup ne vient pas chasser seul, il faut plus de chiens. Si les éleveurs avaient déjà cette expérience, ils auraient pu reprendre d'autres chiens. Mais là, on part de zéro à chaque fois. Autant de chiens ça ne se gère pas comme ça. Ils ont aussi une vie de meute, il faut gérer les personnalités de chacun. Si ça avait été fait y a une vingtaine d'années, comme on l'avait demandé, les gens auraient de l'expérience. Ceux avec qui on a collaboré, ça se passe très bien, on ne les entend pas, et ils ne subissent pas la pression des éleveurs. Aujourd’hui, ceux qui veulent prendre des chiens subissent une grosse pression.

En 2011, il y a eu un épisode loup qui a fait beaucoup de bruit dans le Doubs. On a été appelé tous les jours par la DDT, par certains éleveurs qui voulaient des chiens. Celui qui avait été le plus touché m'a appelé le lendemain. Et finalement, il a refusé parce que les syndicats lui avaient mis le grappin dessus. En lui interdisant de se protéger. Des gens chez qui on avait mis des chiens, une personne d'un certain âge en train de retransmettre sa ferme à son fils, a subi des menaces de mort et des lettres anonymes. Parce qu'il avait pris un chien de protection. Cette pression existe, on la connaît aussi dans le Jura. Les éleveurs qui s'opposent aux syndicats et qui ne suivent pas le mouvement sont mis de côté. Dans les Pyrénées, c'était la même chose. Un éleveur me racontait qu’on l’avait menacé d’incendier son exploitation et de massacrer ses bêtes. C'est une réalité que peu de gens connaissent. Il faut une personnalité à l'éleveur pour une situation comme celle-là, ce n’est pas évident. Rares sont ceux qui ont le courage de s'opposer au mouvement du monde agricole Â»

 

 

Le 11 mars prochain, l’association « Pôle Grands Prédateurs Â» organisera une manifestation pour le loup et la biodiversité. Cette marche citoyenne et pacifique débutera à 14h30 au parking Battant. Elle se terminera par une entrevue entre une délégation et le Préfet du Doubs. « La cohabitation de l’homme avec la faune sauvage ne peut plus se régler à coups de fusils, ni du côté français, ni du côté suisse Â» s’insurge le collectif. « Il est grand temps d’éveiller les consciences Â» conclut-il dans son dernier communiqué de presse.


Le tribunal administratif de Besançon a rendu sa décision concernant la démarche de l’association « One Voice Â» qui contestait, devant la juridiction, six autorisations de tirs de défense, accordées à des agriculteurs, par la préfecture du Jura. Selon la justice, « il n’y a pas d’urgence à suspendre ces arrêtés préfectoraux Â». L’association avait choisi la procédure d’urgence pour contester la mesure préfectorale. L’affaire avait été présentée ce mercredi devant l’instance bisontine.

Le retour du loup en Franche-Comté provoque la colère dans le monde agricole, et désormais quelques inquiétudes dans le secteur du tourisme. Même si le loup n’attaque jamais l’homme, Yves Maréchal, directeur de la station de Mouthe, a préféré renoncer aux randonnées nocturnes cette saison. Une mesure « de tranquillité, pas de sécurité ».

La présence du loup dans le Doubs et le Haut-Jura fait la une de la presse depuis quelques mois. Plusieurs prédations ont été constatées chez des éleveurs de la région. Le retour de l’animal entraîne des conséquences jusque dans le tourisme local. A Mouthe, par mesure de tranquillité, les randonnées nocturnes sont annulées pour le moment. Ce qui inquiète les professionnels du secteur n’est pas la présence du loup, qui ne s’est pas attaqué à l’homme depuis plus de 100 ans en France, mais bien de la mauvaise publicité de ce dernier : « on ne fait plus les balades le soir pour éviter de croiser le loup mais il ne faut pas pour autant effrayer les gens et qu’ils n’osent plus venir skier chez nous » précise Yves Maréchal, directeur de la station de Mouthe.

La clientèle des balades nocturnes en raquettes proposées dans le Haut-Doubs vient généralement des zones urbaines, voire d’autres régions de France. Une population peu habituée à la présence d’animaux sauvages. C’est pour cette raison que qu’Yves Maréchal ne souhaite pas les confronter à la présence hypothétique d’un loup durant une sortie. « Si jamais on se balade, qu’on arrive dans une combe et qu’on voit une meute se déplacer, on ne sait pas comment ils pourraient réagir. Les commentaires sur les réseaux pourraient être vraiment négatifs et freiner les vacanciers à venir sur notre domaine pour skier ».

Les balades ne représentent qu’une très petite source de revenus pour la station, la décision a donc été rapidement prise de repousser l’activité le temps de voir comment la situation évolue. « On préfère attendre, ce n’est pas une mesure de sécurité, mais plutôt de tranquillité médiatique. Il n’y a aucun problème d’attaque sur l’homme. Nous n’avons peur du loup, il ne faut pas tout confondre, les gens peuvent skier chez nous sans soucis » assure le directeur de la station.

La préfecture du Doubs précise qu'aucune mesure contraignante n'est appliquée concernant le tourisme ou bien l'accès en forêt lorsque la nuit tombe dans le département. Une plaquette informative a été envoyée aux élus locaux pour rappeler les bons gestes à adopter en cas de rencontre avec l'animal. S'ils sont en général craintifs et s'enfuient lorsqu'ils aperçoivent une présence humaine, il peut arriver dans quelques cas que le loup observe et ne s'éloigne pas. La préfecture conseille alors de « ne pas fuir en courant, ne pas lui tourner le dos. Il faut s’éloigner de l’animal calmement en reculant lentement et en maintenant le contact visuel. Il faut se tenir droit et debout et se faire paraître plus grand, tout en lui laissant le moyen de s’échapper en lui laissant de la place. Enfin, il est conseillé de tenir son chien en laisse et de ne pas tenter d’approcher l’animal, ni de le nourrir ».

Pour rappel, la dernière attaque recensée d’un loup sur un humain en France date de 1918. A l’époque, l’animal en question était enragé.

L’info est relatée par le journal « Le Progrès Â». Dimanche, un éleveur jurassien, implanté dans le secteur des Rousses, a retrouvé une génisse de son troupeau morte. Selon le quotidien jurassien, les autorités auraient confirmé l’attaque d’un loup. Il y a quelques mois, en août dernier, le loup avait déjà sévi dans ce même secteur jurassien. Un veau et une génisse avaient alors perdu la vie.

Il y a quelques semaines, la rédaction s’entretenait avec Gilles Benest, président de France Nature Environnement Doubs, et biologiste. Ce dernier déplorait les récents tirs létaux effectués sur le loup. Une des raisons principales ? « Des tirs sur n’importe qui, pouvant désorganiser la meute, et accentuer les effets de prédation Â». Gilles Benest évoquait aussi une thèse faisant le bilan de tous les tirs réalisés sur le loup France, démontrant qu’on ne peut pas prévoir si les résultats seront favorables, défavorables ou neutres. 

 

« On a eu le calme pendant une dizaine de jours, et puis ça a recommencé Â»

« Si on veut amener le loup à ficher la paix aux troupeaux sans le tuer, il faut qu'on connaisse parfaitement les meutes, la hiérarchie, il faut qu'on identifie les individus. C'est ce que font les Suisses sur Marchairuz par exemple. A ce moment-là, vous pouvez savoir sur quel loup il faut agir pour que la meute ne vienne plus vers le troupeau. Ça on ne le sait pas aujourd’hui, parce qu’on n’a pas anticipé. Alors qu’on sait depuis plus de 20 ans que le massif du Jura serait un territoire de colonisation du loup Â» souligne Gilles Benest.

Le mardi 20 septembre, vers 22h40, un binôme de lieutenants de louveterie a procédé au tir létal d’une louve sur une parcelle où un troupeau avait été prédaté dans la nuit du 18 au 19 septembre aux Longevilles-Mont-d’Or. Un tir réalisé alors que trois loups étaient observés en situation d’attaque sur le troupeau d’un GAEC concerné. Une situation provoquant la colère des défenseurs du loup. « On tire n'importe quoi, n'importe comment. Une thèse récente a démontré, lorsque l’on fait le bilan de tous les tirs qui ont été faits en France face au loup, qu’on ne peut pas prévoir si les résultats seront favorables, défavorables ou neutres. Le fait que ce soit une louve qui avait déjà porté, montre que c'était probablement une femelle dominante. Probablement, je reste prudent. Si vous vous débarrassez de la femelle dominante, vous désorganisez la meute, et vous accentuez les effets de prédation. C'est ce qu’il s'est passé. On a eu le calme pendant une dizaine de jours, et puis ça a recommencé Â» confie Gilles Benest.

 

Une thèse sur les tirs dérogatoires de loups en France 

Les prédations sur le bétail, appelées déprédations, ont augmenté depuis la recolonisation du loup. Dans notre région, elles concernent principalement les bovins. Ce phénomène crée des conflits entre la conservation du loup et les activités d’élevage. En plus des indemnisations et des subventions pour les mesures de protection des troupeaux, la France a ajouté un autre outil de gestion, les prélèvements létaux de loups. Mais l'incertitude persiste au sujet de l'efficacité des mesures létales pour réduire la déprédation, que cela soit en France ou ailleurs où elles sont appliquées.

 

Extrait de cette thèse : 

« Deux hypothèses contradictoires s'opposent. La première soutient que les mesures létales sont efficaces par la réduction de la population et la sélection de loups moins enclins à la déprédation. La deuxième hypothèse soutient que ces mesures sont contreproductives car cela déstabilise la stabilité des meutes et en retour augmente les besoins des loups de dépendre sur le bétail. La raison de cette incertitude est la combinaison d'un faible nombre d'études sur le sujet, avec une faible inférence scientifique qui conduit à des résultats contradictoires. De plus, la plupart des études s'est concentrée sur la situation nord-américaine. Mon travail consistait à réduire l'incertitude de l'effet des mesures létales sur les déprédations réussies et observées sur les moutons en France. Nous avons adopté deux approches. Premièrement, nous avons choisi une approche de modélisation individu-centrée pour étudier la dynamique complète des mesures létales sur la structure de la population de loups et des déprédations. Nous avons intégré les mécanismes biologiques, tels que la dissolution des meutes, jamais intégrés auparavant. Nous avons testé différents scénarios de comportement de déprédation des loups. Notre modèle soutient que les mesures létales modélisées ont été efficaces pour réduire les déprédations par la réduction de la population 1) quand la probabilité de déprédation augmente pour les loups en meute à cause de besoins énergétiques plus élevés ou 2) quand, en plus, elle augmente aussi pour les loups adultes et avec la taille de la meute, reflétant les capacités de chasse. En revanche, notre modèle ne nous a pas permis de conclure sur les effets quand les probabilités de déprédation diminuent pour les adultes ou avec la taille de la meute. Deuxièmement, nous avons analysé les effets de la mort de loups sur les niveaux de déprédation en France avec les données de l'administration. Nous avons développé une méthodologie basée sur les calculs par noyaux. Nous concluons que les effets des tirs en France ont été hautement variables selon le contexte. La majorité des effets n'impliquaient pas de changement, le restant des effets étant une réduction des déprédations puis une augmentation. Les reports spatiaux de déprédations n'étaient en majorité pas suspectés. Enfin, nous avons ajouté une analyse rétrospective du pattern spatial de déprédation en France, en ajustant pour les distributions spatio-temporelles des moutons ainsi que la taille des troupeaux. Nous concluons que les points chauds ne résultaient probablement pas du seul facteur de la territorialité des loups, car d'autres facteurs doivent participer à leur formation. Nous observons que le risque de déprédation s'homogénéisait au fil du temps dans l'arc alpin. La méthode nous a permis de repérer les petits points chauds (avec de petits troupeaux ou pâturant peu de temps), et qui n'auraient pas été détectés avec l'actuelle méthode appliquée par l'administration. Ainsi, ce travail montre que dans le contexte local lié à l'environnement, au loup ou au pastoralisme a besoin d'être considéré pour la gestion des attaques, car il est peu probable que les tirs de loup aient un effet unique sur les loups et la déprédation.

 

Retrouvez l’intégralité de cette étude : https://www.loupfrance.fr/wp-content/uploads/Article-Faune-sauvage-tirs-derogatoires-de-loups-en-France.pdf

 

Selon  nos informations, une nouvelle attaque de loup s’est produite dans le Haut-Doubs. Les faits ont été constatés en lisière de forêt dans le secteur de Frasne ce mardi. Un veau a été la cible du prédateur. L’attaque a été confirmée par des agents de l’Office Français de la Biodiversité. Plus d’informations à venir.

Ce samedi matin, Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, s’est rendu au super comice de Pontarlier. Avant de discuter avec les organisations professionnelles agricoles du département,  il s’est rendu aux Pontets, dans le Val  de Mouthe, où un loup a attaqué deux nouvelles génisses,  appartenant au GAEC Scalabrino, durant la nuit de vendredi à samedi.

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« Simplifier les procédures Â»

 

Si certaines décisions doivent se prendre au niveau européen, et en attendant le plan loup, l’état ne veut pas se dérober. Le ministre de l’Agriculture veut faire bouger les lignes. Cela passe notamment par l’évolution des arrêtés de tir. Mar Fesneau  assure que des décisions concrètes seront prises d’ici le printemps prochain.  Â« Il faut simplifier les procédures Â» a-t-il expliqué. Au cours de son entretien avec la presse, il a reconnu que, compte tenu de l’étendu des prairies, il était compliqué de mettre en place une politique de protection efficace Â».

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« Un déséquilibre réel Â»

S’il ne souhaite pas commenter le nombre de loups présents sur le massif du Jura, laissant aux experts la possibilité de le faire, le ministre reconnaît un déséquilibre, « qui met en danger l’élevage Â». « Je ne sais pas s’il y a trop de loups, mais il y a trop d’attaques et trop de problèmes sur l’élevage Â» analyse-t-il. Et de poursuivre : « on se met autour de la table et on réfléchit ensemble à la biodiversité dans son entièreté. On prend ensuite les décisions qui s’imposent pour réguler ce qu’il y a à réguler Â». Pour le ministre de l’Agriculture,  Â« le loup ne représente pas à lui seul la biodiversité Â». Selon lui, « cette façon de voir les choses est une erreur tragique pour la biodiversité Â».  Et de conclure : « il faut que l’on trouve un équilibre qui ne fasse pas reculer l’élevage et s’inquiéter des situations humaines Â».

Répondre à la détresse humaine

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Marc Fesneau s’est adressé aux éleveurs, installés au pied de la mairie de Pontarlier, qui,   symboliquement,  ont porté, autour de leur cou,  le nom des dix-huit vaches prédatées depuis le mois d’août dernier.  Le ministre dit avoir compris la détresse de ces professionnels. « Il faut voir dans quel état psychologique sont ces gens Â» commente Marc Fesneau. Et de terminer : « Lorsque des personnes donnent des noms à leurs animaux, cela montre leur attachement à l’élevage et aux animaux qu’ils élèvent Â».  

L'interview de la rédaction / Marc Fesneau

COMICE FESNEAU 2

Rester dans la légalité

Enfin, le ministre de l’Agriculture a tenu à mettre en garde celles et ceux qui viennent perturber les interventions de terrain, prises par le préfet. Il faisait sans doute référence à l’action menée mercredi dernier par des mouvements écologistes, alors qu’une opération s’organisait sur les hauteurs de Chaux Neuve pour éloigner le prédateur. Marc Fesneau rappelle que les actes mis en place sont « légaux Â». Et d’affirmer : « quand on est un républicain, on respecte la loi. Je serais toujours du côté de la légalité Â». Tout en rappelant également que les débats doivent s’effectuer dans un cadre « non violent Â».

L'interview de la rédaction / Marc Fesneau

 

Le sujet du loup fait couler beaucoup d’encre depuis quelques mois. A leur plus grand regret, les associations de la protection de la nature et de l’environnement se sentent exclues du dialogue. Souhaitant la protection du loup, elles tiennent aussi à protéger les éleveurs. Nous nous sommes entretenus avec Gilles Benest, président de France Nature Environnement Doubs, et biologiste.

 

En ces temps délicats, quel est le positionnement de France Nature Environnement Doubs concernant le loup ?

Pour nous ce n’est pas délicat si le dialogue peut exister. Nous voulons que le loup perdure. C’est un animal indispensable par son rôle écologique à la biodiversité que nous défendons tous. Et quand je dis tous, je comprends tous les citoyens. Evidemment, nous tenons aussi à ce que cela soit fait avec la profession d’éleveur, dont nous souhaitons qu’elle perdure.

 

Comment expliquer ces attaques survenues récemment ?

D'abord, je n’utiliserais pas le terme « attaquer Â», mais « prédater Â». Les prédations sur les bovins sont connues depuis déjà longtemps, dans les Alpes en particulier. On n'y a pas accordé beaucoup d'attention. Le loup se nourrit avec ce qu'il a sous la dent. Peut-être parce qu’on ne le gêne pas trop vis-à-vis du détail, mais aussi parce qu’on n’est pas assez préparé alors qu'on savait depuis longtemps que ça arriverait. Le bétail sauvage que sont les cerfs, chamois, chevreuils dont il se nourrit aussi, représente l’essentiel de son régime alimentaire, quasiment 80%. Le loup n'attaque pas pour le plaisir. Il prédate quand il a faim, c'est un chasseur. C'est un comportement tout à fait naturel, et comme beaucoup de prédateurs, il va où y a quelque chose à manger. Il n'y a rien de plus naturel dans ce comportement de prédation du loup.

 

Vous comprenez aussi toute la détresse de ces éleveurs qui perdent leurs bêtes ?

J’en ai rencontré, et je suis suffisamment amoureux des animaux, qu’ils soient domestiques où sauvages, pour comprendre les éleveurs. Je pense deux choses. La première, c'est qu’effectivement quand vous êtes éleveur, quand vous soignez vos bêtes, votre troupeau, matin midi et soir, douze mois par an, et quand il y en a une qui est blessée ou tuée, ça chamboule le cœur. Ça c'est évident. Non seulement je comprends, mais d'une certaine manière je partage. Là où je suis un petit peu plus réservé, c'est qu’on n'a pas mis en place les mesures de protection du troupeau. On sait un certain nombre de choses, si ces mesures-là étaient mises en œuvre, ça poserait déjà beaucoup moins de problèmes. On ne serait même pas à 20 bêtes tuées cette année.

 

Quelles sont ces solutions ?

Pour ces gros animaux que sont les bovins, on a des progrès à faire, mais c'est à inventer ensemble. Entre les éleveurs et nous-même. Par ailleurs, les chiens sont parfaitement efficaces, et on sait très bien aujourd'hui comment les adapter aux troupeaux de bovins. C'est faisable très rapidement, et on n'a pas besoin de tous les protéger, on sait où est le loup, on peut dans un premier temps protéger ces troupeaux qui présentent le plus de risques d'être exposés.

 

Quand vous parlez des chiens, vous évoquez les patous ?

Entre autres, ce n’est pas le seul. Mais effectivement, c'est celui auquel on pense toujours en premier.

 

Ces chiens sont parfois très agressifs, on recense quelques attaques sur des touristes, randonneurs ou promeneurs. Comment faire sur un territoire où le tourisme est très présent ?

Le loup est souhaité par la société tout entière. Je le dis dans ces termes-là, parce qu'il bénéficie d'une mesure de protection réglementaire qui a été fixée par la nation. Donc toute la société est engagée. Ce qui veut dire que la préservation du loup et son maintien durable sur notre territoire, sont à prendre en charge par toute la société, et pas simplement les victimes. Les victimes, il y en a effectivement deux pour l'instant : les éleveurs bien évidemment, mais aussi les touristes et les promeneurs. Comme ça se fait déjà, un touriste qui se retrouve face à un ours ne doit pas avoir n'importe quel comportement. Il faut qu'il apprenne. Le touriste, face au patou qui doit défendre son troupeau, doit aussi apprendre à se comporter correctement pour ne pas être agressé. C'est vraiment un travail global qui doit être fait. L'éleveur doit apprendre à gérer son chien, et le touriste doit être prévenu et informé quand il va dans ces secteurs.

 

Vous trouvez qu’on ne s’est pas assez préparé dans notre région, alors qu’on aurait pu anticiper cette situation ?

On savait depuis une bonne dizaine d'années qu'on aurait ces problèmes-là en Franche-Comté. On n'a rien fait. On prend des décisions aujourd'hui dans l'urgence, alors que si on avait pris des dispositions anticipées, il n'y aurait pas du tout les mêmes problèmes. Je fais une comparaison avec la santé. Aujourd'hui on a le choix sur le plan médical entre le préventif et le curatif. Pendant des années on a choisi le curatif. Le résultat ? On a un système de santé qui explose et aujourd'hui on essaye de s'orienter vers le préventif. Et c’est par exemple le cas des vaccins. La grippe c'est ça. Les surveillances pour les cancers du sein pour les femmes, c'est ça. C'est du préventif. Il faut en faire autant avec la nature.

 

Face à ce manque de préparation, vous trouvez donc qu’on réagit trop radicalement, comme l'abattage de cette louve au mois de septembre, qui ne résoudra finalement pas les problèmes rencontrés par les éleveurs ?

Absolument, et dans le cas du loup c'est flagrant. On tire n'importe quoi, n'importe comment. Une thèse récente a été tenue à Montpellier dans une de nos grandes instances universitaires. Elle a démontré, lorsque l’on fait le bilan de tous les tirs qui ont été faits en France face au loup, qu’on ne peut pas prévoir si les résultats seront favorables, défavorables ou neutres. Le fait que ce soit une louve qui avait déjà porté, montre que c'était probablement une femelle dominante. Probablement, je reste prudent. Si vous vous débarrassez de la femelle dominante, vous désorganisez la meute, et vous accentuez les effets de prédation. C'est ce qu’il s'est passé. On a eu le calme pendant une dizaine de jours, et puis ça a recommencé.

 

Alors comment se comporter désormais ?

Si on veut amener le loup à ficher la paix aux troupeaux sans le tuer, il faut qu'on connaisse parfaitement les meutes, la hiérarchie, il faut qu'on identifie les individus. C'est ce que font les Suisses sur Marchairuz par exemple. A ce moment-là, vous pouvez savoir sur quel loup il faut agir pour que la meute ne vienne plus vers le troupeau. Ça on ne le sait pas aujourd’hui, parce qu’on n’a pas anticipé. Alors qu’on sait depuis plus de 20 ans que le massif du Jura serait un territoire de colonisation du loup.

 

"Le loup est un animal qui est protégé par la France et protégé par l'Europe. C'est vraiment la société tout entière qui doit prendre en charge. Il faut que nous soyons tous ensemble solidairement avec eux, pour que les choses se passent bien qu'on prenne les bonnes mesures"

 
Ce sujet a fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Il y a eu des échanges, réunions, des temps de dialogue. Aujourd’hui, vous dénoncez cette exclusion, et vous regrettez de ne pas faire partie de ce dialogue ?

C’est beaucoup plus ambigu que ça. Mais vous évoquez sans doute la grande réunion qui s’est tenue à Labergement-Sainte-Marie le 3 octobre dernier. Il y avait du monde dans la salle. En bonne démocratie et surtout en bonne transparence, les médias auraient dû entrer et entendre ce qui a été dit. J’y étais aussi avec quelques amis. Quand on regarde dans la salle, tout le monde était venu pour le loup. L'après-midi, il y a eu une visite de terrain faite pour les éleveurs, et nous n'en avons pas été informés. Ce qui veut dire que nous en avons été exclus. Il y a eu d'autres réunions comme ça où nous avons été exclus. On nous invite de temps en temps, mais pas pour ce qu’ils considèrent comme les moments importants.

 

Si vous êtes invités prochainement, vous participerez à ces discussions ?

Absolument. On avait envoyé un communiqué de presse la semaine dernière. On va continuer à communiquer et à demander ça. Nous ne voulons pas être complices, mais nous voulons être acteur à part entière, comme les autres. Nous ne demandons pas que notre parole, seule, soit imposée à tout le monde. Nous sommes des citoyens respectueux de la démocratie, et nous souhaitons simplement que les décisions prises soient des décisions partagées.

 

Surtout que vous êtes dotés d’une certaine expertise en la matière ?

On reste une petite fédération départementale, mais nous bénéficions du réseau France Nature Environnement. Par ailleurs, la fédération nationale est un des membres actifs du comité de pilotage du plan national loup. Notre fédération nous y représente, nous raconte un certain nombre de choses, et nous l’informons de ce qui se passe chez nous. On peut apporter des idées, qui d'ailleurs pour beaucoup sont proposées depuis longtemps. Même s'il y en a encore d'autres à inventer par rapport aux bovins.

 

Comment gérer le cas du loup sur le volet économique ?

Nous sommes des citoyens, nous savons très bien ce qu’est l’économie, le porte-monnaie familial et le porte-monnaie professionnel. Nous savons très bien que la gestion du loup, l’acceptation du loup, sur le plan économique, ne représente pas forcément des fortunes, mais ce n’est pas neutre non plus. On conçoit tout à fait que les efforts que nous sollicitons auprès des éleveurs ne soient pas si simples que ça. Mais c’est un effort collectif, puisque c'est la nation qui l'a choisi. Et nous, nous allons au-delà de ça. Nous avons des propositions alternatives qui permettraient économiquement aux éleveurs et à toute la filière comté de bénéficier de la présence du loup. C'est un changement d'attitude important. On ne se contente pas de dire qu’on veut le loup, et puis l’éleveur, débrouille-toi. Non, on n'est pas comme ça. Le loup on le veut, et c’est vrai que les éleveurs en supportent fortement les conséquences. Donc on veut les aider. Ça veut dire être solidaire sur le plan économique, il y a des aides financières de collectivité, et ça veut aussi dire réfléchir avec eux à une démarche économique qui intégrerait le loup.

 

Vous leur avez déjà soumis ces propositions ?

Oui dans le principe général. Ça fait deux ans que j’ai rencontré le CIGC. Ils le savent, ils me traitent de petit rigolo, mais ça ne me dérange pas. Je peux comprendre, parce que je ne suis pas dans les contraintes économiques qui sont les leurs. Je comprends leur positionnement. Mais ce que je dis, c'est que le loup est la réponse pour régler le problème du loup, économiquement parlant.

 

C’est-à-dire ?

Le loup crée une situation qui est une opportunité pour cette évolution de la pratique d'élevage sur notre territoire. C'est un sacré stimulant. Pour l'instant, un certain nombre de gens considèrent que c’est un emmerdeur. Mais il faut transformer cet emmerdeur en avantage. Nos propositions vont dans ce sens-là. C’est l'opportunité pour que les propositions que nous avons faites, doivent être réfléchies en commun, discutées en commun et mises en Å“uvre en commun. Je suis toujours dans cette logique de partenariat collectif. Mais ne partons pas du principe, comme l’a fait la présidente de la FNSEA, du principe « zéro attaque Â». Ça n’a pas de sens. Concernant les insectes qui détruisent les cultures, les agriculteurs ont réfléchi il y a 30 ans déjà, non pas au zéro dégât par des insectes, champignons ou autres. Ils ont réfléchi au minimum économiquement acceptable. Ça change tout comme point de vue, ce serait intéressant qu’on fasse ça avec le loup aussi.

 

Tout passera par le collectif selon vous ?

Oui, c'est toute la société qui concernée, ce ne sont pas seulement les éleveurs. C'est vrai qu'ils sont en première ligne, mais l’éleveur n’est pas de la chair à canon. Pas du tout. Je l’ai déjà dit au président de la FDSEA, je suis reconnaissant parce qu’ils me nourrissent. Et le fait qu’ils me nourrissent me libère du temps pour faire d'autres choses. Et je le redirais sans aucun problème, parce que je le pense sincèrement. Il ne faut pas réfléchir à l'éradication du loup. Si il est protégé, ce n’est pas simplement parce qu'il était en fragilité à un moment donné. C’est aussi parce qu'il a un rôle très important dans le fonctionnement des écosystèmes pour la contribution à la biodiversité. C'est un des éléments de réponse à l'érosion de la biodiversité qui nous concerne tous.  

 

Situation tendue la nuit dernière entre défenseurs du loup, journalistes, et éleveurs à Chaux-Neuve. Une opération montée par l'Office français de la biodiversité avait pour but de tuer un ou plusieurs loups. Six militants se sont rendus sur les lieux, au-dessus du tremplin de Chaux-Neuve, pour empêcher l'abattage. Dans un pré où une carcasse de vache a été abandonnée, avec l'espoir d'attirer le canidé pour mieux le tirer, les défenseurs du loup ont parfumé à l’eau de Cologne cette carcasse pour faire fuir la meute. Les louvetiers se sont alors retirés avant que des agriculteurs n’arrivent. C’est ensuite que la situation a dégénéré. Une tractopelle a effectué plusieurs allers-retours afin de déverser plus d'un mètre de fumier pour bloquer le véhicule des journalistes, avant d’agresser verbalement et de donner des coups de poing en direction de leur caméra. Un journaliste s’est fait attraper par le col, son micro a été arraché et cassé, une mini-caméra subtilisée et son portable piétiné. Une situation très tendue pendant une vingtaine de minutes, le temps que les gendarmes interviennent pour éviter que les défenseurs du loup et les journalistes ne soient pris à partie physiquement par les agriculteurs en colère.

La direction de France 3 Bourgogne-Franche-Comté a condamné avec la plus grande fermeté cette agression. Elle va porter plainte.